Pour protéger les entreprises durant la période d’état d’urgence sanitaire, les pouvoirs publics ont adopté un certain nombre de mesures visant notamment à suspendre les clauses pénales (pénalités) applicables dans les marchés publics et privés (voir notre info 2020-186/6-2 du 23 avril 2020).
Bien que l’état d’urgence sanitaire ait été prolongé jusqu’au 10 juillet 2020, ce dispositif de protection prendra fin prochainement pour les clauses arrivées à échéances pendant cet état d’urgence. Toutefois, pour les marchés privés, il continuera à retarder les effets des clauses pénales sanctionnant certaines obligations arrivées à échéance postérieurement à la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Marchés publics
L’ordonnance 2020-319 du 25 mars 2020 prévoit également une période juridiquement protégée qui court du 12 mars au 23 juillet inclus, pendant laquelle les maîtres d’ouvrage doivent :
- Suspendre ou prolonger le délai d’exécution des marchés si l’entreprise ne peut pas exécuter le contrat et qu’elle en fait la demande (parce qu’elle ne peut pas respecter le délai d’exécution prévu au contrat ou qu’une exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur elle une charge manifestement excessive) ;
- N’appliquer aucune pénalité de retard pendant la suspension ou la prolongation ;
- Ne pas engager la responsabilité contractuelle de l’entreprise pendant la suspension ou la prolongation ;
- Ne pas résilier les marchés, sauf à démontrer une urgence impérieuse. Celle-ci ne saura impliquer aucune exécution aux frais et risques de l’entreprise initialement titulaire du marché ;
- Accepter les situations de travaux des entreprises titulaires de marché à prix forfaitaire qui ont prévu un échéancier précis, en dérogation de la règle du paiement pour service fait.
Le texte prévoit également pendant une période qui court jusqu’à la fin de l’état d’urgence + 2 mois (soit jusqu’au 10 septembre 2020 inclus), que les maîtres d’ouvrage peuvent donner une avance allant au-delà de 60% du marché sans imposer la constitution d’une garantie par l’entreprise. A noter que, sur ce point seulement, le gouvernement a pris en compte la nouvelle date de l’état d’urgence sanitaire.
Marchés privés et contrats de sous-traitance
L’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 (dite « Ordonnance délais ») prévoit une période protégée allant du 12 mars au 23 juin inclus, pendant laquelle sont interdites :
- Les clauses pénales (ex : pénalités de retard) ;
- Les clauses résolutoires ;
- Les astreintes ;
- Ou encore les clauses de déchéance de terme.
L’arrivée du terme du 23 juin ne signifie pas pour autant que des pénalités seront appliquées dès le 24 juin. L’ordonnance du 25 mars prévoit en effet un mécanisme de report des délais, rappelé ci-après.
Report du jeu des clauses pénales (pénalités de retard) et résolutoires
Difficilement lisible, l’article 4 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 modifié par l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 prévoit ce qui suit :
« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er (NB : « délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus »).
Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.
La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l’article 1er (NB : entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus), est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période.
Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er.»
Neutralisation et report des délais arrivant à échéance durant la période protégée
Les clauses contractuelles visant à sanctionner l’inexécution d’une obligation échue dans un délai déterminé (astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires…) sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré durant la « période juridiquement protégée », à savoir entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020. Le report sera égal à la durée d’exécution du contrat qui a été impactée par les mesures résultant de l’état d’urgence sanitaire.
Exemples :
- Si une échéance était attendue le 20 mars 2020, c’est-à-dire huit jours après le début de la période juridiquement protégée, la clause pénale sanctionnant le non-respect de cette échéance ne produira son effet, si l’obligation n’est toujours pas exécutée, que huit jours après la fin de la période juridiquement protégée, soit 8 jours après le 23 juin.
Pour un marché de travaux, si un délai sanctionné par une clause de pénalité expirait le 20 mars 2020, celle-ci se trouve momentanément paralysée. Le délai restant à courir durant la période protégée (soit 8 jours) va recommencer à courir à l’issue de cette période. Les pénalités seront donc encourues 8 jours après le 23 juin 2020.
- De même, si une clause résolutoire, résultant d’une obligation née le 1er avril, devait prendre effet, en cas d’inexécution, le 15 avril, ce délai de 15 jours sera reporté à la fin de la période juridiquement protégée, soit après le 23 juin 2020, pour que le débiteur puisse encore s’acquitter de son obligation avant que la clause résolutoire ne prenne effet.
Délais arrivant à échéance après la période protégée : neutralisation de cette période
Le troisième alinéa de l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 vise à reporter la prise d’effet notamment des clauses pénales (pénalités de retard) prévue à une date postérieure à la fin de la « période juridiquement protégée ». Les pouvoirs publics considèrent, en effet, que certaines entreprises du fait des difficultés imposées par le confinement se sont trouvées dans l’impossibilité de respecter les échéances auxquelles elles se sont engagées.
Ce report sera calculé, après la fin de la période juridiquement protégée, en fonction de la durée d’exécution du contrat qui a été impactée par les contraintes du confinement.
Ainsi, en présence d’une clause pénale ou d’une astreinte arrivant à échéance après la période juridiquement protégée, si l’entreprise n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle cette clause produit ses effets est reportée, après la fin de cette période, d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée (art. 4 – 3e alinéa).
Exemple :
Si un contrat de travaux antérieur au 12 mars 2020 prévoit la livraison du bâtiment à une date qui échoit après la fin de la période juridiquement protégée, la clause pénale sanctionnant l’éventuelle inexécution de cette obligation ne prendra effet qu’à une date reportée d’une durée égale à la durée de la période juridiquement protégée. En pratique, si la livraison du bâtiment concerné était prévue le 15 juillet 2020, l’effet de la clause prévoyant des pénalités, censée s’appliquer à compter de cette date, se trouve reporté de la durée écoulée entre le 12 mars et le 23 juin 2020.
Il s’agit donc de mettre en œuvre un mécanisme reportant le déclenchement des clauses pénales.
Suspension du cours des pénalités
Enfin, le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant cette période, et reprennent leur effet à compter du 24 juin prochain.
Exemple :
Des pénalités qui avaient commencé à courir avant la « période juridiquement protégée » sont suspendues durant celle-ci, soit entre le 12 mars et le 23 juin 2020.