Au sein de la fédération BTP Rhône et Métropole, vingt-six chambres syndicales réparties sur cinq sections, et quatre chambres territoriales, œuvrent au plus près des adhérents. Nous avons choisi de diriger le projecteur sur chacune de ces chambres en posant sensiblement les mêmes questions à chacun des présidents.
Bruno Medori, Directeur Auvergne-Rhône-Alpes de Razel-Bec, filiale TP du groupe Fayat, est le président de la chambre « Déconstruction » de la section Travaux Publics.
Quelles sont les activités couvertes par la chambre « Déconstruction » ?
Avant on parlait de démolition, aujourd’hui de déconstruction. Quand nous déconstruisons un bâtiment, nous avons une première phase qui est le curage, vient ensuite le désamiantage puis la démolition proprement dite. Démolition avec tri sélectif des déchets pour leur réemploi qui est devenu un acte majeur. Nous évoluons vers un cercle vertueux, avec pour mémoire des obligations législatives de valorisation des déchets de 70% dès 2020.
C’est beaucoup !
Oui, c’est énorme et nous avançons vers le réemploi des matériaux. Mais on y arrive. Une culture et une économie se sont développées depuis quelques années nous permettant d’arriver à respecter ces seuils.
Vos adhérents ne font que déconstruire ou appartiennent-ils aussi à la famille du recyclage ?
Généralement, la plupart des déconstructeurs font aussi du concassage-recyclage de béton. Sur les parties métal, bois, nous utilisons des filières connues et identifiées. Pour le reste, cela peut devenir parfois une recherche très imaginative de solutions. C’est devenu un métier très technique, très qualitatif… D’autant que nous devons intégrer des problèmes d’environnement comme le bruit, la poussière, etc..
La chambre compte combien d’adhérents et de quelles tailles sont leurs entreprises ?
Nous sommes dix-huit adhérents avec des patrons de petites entreprises et des groupes qui peuvent peser de 30 à 40 millions de CA.
Qui sont vos donneurs d’ordre ?
Les collectivités locales, environ 50%, et beaucoup de promoteurs privés.
Vous devez donc faire face à une triple peine : les difficultés présentes et à venir de la promotion, la Covid qui ralentit tout, et enfin le temps long des élections doublé de la mise en place encore plus longue des nouvelles politiques des équipes à la tête des collectivités ?
En ce moment, c’est vrai nous ne sommes pas loin du scénario catastrophe. La grande majorité des adhérents, sur leur activité spécifique de déconstruction, ont des problèmes d’occupation de l’ensemble de leurs moyens, en personnel et matériel. Sur Lyon, nous avons eu un PLUH qui a mis des années à être voté, et puis les élections et la Covid avec des permis de construire bloqués… Et sans permis, pas de déconstruction.
Le monde politique est-il à votre écoute pour au moins accélérer les process ?
Oui, on nous entend. Mais dans le contexte actuel, nous ne sommes qu’un problème parmi beaucoup d’autres. Et pas forcément prioritaire. Dans la Métropole comme dans l’ensemble des collectivités locales, dans les sociétés d’économie mixte afférentes, les politiques sont dans une phase de définition de leurs besoins et de leurs nouvelles orientations. En attendant, il ne se passe rien sur nos métiers en ce moment. Ce qui nous sauve, pour ainsi dire, c’est que nos adhérents œuvrent au-delà du périmètre du département du Rhône, où la stabilité politique a été plus grande.
Dans ce contexte vous n’échappez pas à une course au prix ?
Tout à fait. Aujourd’hui, soit vous avez des grands groupes aux ressources financières plus diversifiées et larges, soit des PME dont la survie est en jeu qui doivent absolument travailler.
Vos adhérents commencent à prendre des mesures d’ajustement de personnel ?
Oui, certains d’entre eux utilisent déjà le chômage partiel.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Nous essayons d’inviter les politiques à relancer la machine économique le plus vite possible. Relancer l’activité sera d’ailleurs pour eux synonyme de recettes fiscales. Quand l’activité sera relancée, vu notre positionnement sur le temps de chantier, nous serons les premiers à en bénéficier. Ensuite, nous les invitons à avoir un impact fort sur la traçabilité des déchets et leur réemploi. Sur ce point, les nouveaux élus de la Métropole semblent réceptifs. Et enfin, je me bats avec la fédération sur la « disparition » dans la nature des dizaines de milliers de tonnes de déchets pollués, issus, entre autres, de la déconstruction. Le suivi de ces déchets est véritablement un enjeu majeur.
Et pour le secteur privé ?
Le Rhône est atone et le restera encore plusieurs mois. La périphérie lyonnaise est un peu plus dynamique, mais globalement le niveau d‘activité sur la région est faible.
Votre ciel paraît vraiment sombre…
Oui et non. Au-delà des aspects économiques immédiats, la période actuelle s’avère être un puissant accélérateur de mutations, sur les volets sociétaux, environnementaux, énergétiques. Dans cette période, la fédération via ses chambres, comme la nôtre ou celle du recyclage avec laquelle nous partageons nos réflexions, est un partenaire des donneurs d’ordres qui le souhaitent pour les accompagner, les relayer… mais aussi pour être source de propositions, car nos adhérents sont déjà dans ces sujets et ont démontré qu’ils sont des participants très actifs.
Une interview à retrouver dans le JBTP du 10 décembre 2020.