Au sein de la fédération BTP Rhône et Métropole, sept commissions réunissant un large éventail d’intervenants planchent sur le présent et surtout l’avenir du secteur. Norbert Fontanel, président du groupe Fontanel, vice-président de la fédération, membre du comité de pilotage de la rénovation du siège de l’avenue Condorcet, est le président de la commission Économique.
Quel est le champ de compétences de la commission Économique ?
Au sein de la commission il y a deux sous-commissions, « le suivi de la commande publique », animée par Pascal Royer, et celle que j’anime « Logement et tertiaire ». Cette dernière réunit les intervenants de l’acte de construire que sont les architectes, les aménageurs, les promoteurs, les économistes de la construction, les bailleurs sociaux, la FNAIM, le CECIM (centre de compétences immobilières) et la CERC (Cellule économique régionale de la construction). A ce titre, je participe aux réunions organisées par la ville de Lyon sur le projet de charte à destination des acteurs de la construction.
Vous portez à ces réunions avec les élus la voix des professionnels du BTP pour, disons, énoncer le champ des possibles ?
Notre message est que nous avons besoin de régularité dans les commandes publiques ou privées. Ce qui n’est jamais le cas, notamment pour les TP avec les commandes publiques, qui connaissent des phénomènes de cycles, liés aux débuts de mandats marqués par la réflexion et les plans pluriannuels d’investissement (PPI), et, aux fins de mandats où tout s’accélère pour étoffer les bilans de réalisation. C’est la même chose pour le Bâtiment, qui a le même besoin de régularité, notamment sur le nombre de permis de construire signés chaque année afin de ne pas déstabiliser les entreprises.
Les élus vous entendent ?
Le politique pense à assurer sa réélection, nous nous pensons à assurer la fin du mois. Le politique est pédagogue pour énoncer des dogmes. Moins pour l’économique. Cela marque notre différence.
Quel est le contexte aujourd’hui pour les entreprises du BTP ?
Le TP connaît actuellement une phase de décélération. Pour la construction, l’inertie est telle que nous voyons arriver la décélération aux alentours de la rentrée de septembre pour le gros œuvre et au premier trimestre 2022 pour les autres. Les architectes commencent à revoir leur personnel à la baisse dans les agences, c’est un signe qui ne trompe pas.
Les promoteurs sont eux aussi en phase de décélération ?
Oui, surtout sur Lyon, malgré les deux-trois grosses ZAC qui restent en construction. Les projets se déportent en deuxième ou troisième couronne. S’il y a moins de travail pour nous sur la Métropole, nous allons chercher plus loin et nous retrouver en concurrence avec des entreprises locales.
Avec pour corollaire une tension sur les prix ?
Elle a toujours existé. Nous constatons surtout que les fournitures flambent, les aciers par exemple avec plus de 25%, le béton peut prendre 5% sur une année, le traitement des déchets…
Et puis les nouveaux matériaux mieux biosourcés…
Notre crainte à ce sujet se porte sur la filière d’approvisionnement de ces nouveaux matériaux. Les industriels sont-ils prêts ? Les avis techniques sont-ils probants ? Nous serons vigilants à ne pas construire des prototypes avec des matériaux trop expérimentaux, notre responsabilité décennale est en jeu.
Vous appréhendez la révolution verte ?
Nous n’avons pas attendu les résultats des élections à la Métropole et à Lyon pour nous soucier de l’environnement. Nous traitons nos déchets, nous organisons le co-voiturage pour nos personnels de chantier, dernièrement nous avons changé nos véhicules, nos camions, nos installations de chantier sont devenues vertueuses… L’entreprise qui ne relèvera pas le défi environnemental est condamnée.
Le plan France Relance vous donne de la visibilité ?
Nous savons que cela va arriver, mais nous ne savons pas encore quels seront les délais et les financements… Pour l’instant, ce plan ne se traduit pas en appels d’offres.
Vous êtes un président de commission plutôt inquiet, notamment pour le secteur de la construction que vous connaissez bien ?
Je suis d’un naturel optimisme. Mais attention, le prix des terrains s’envole, et j’ai peur que le phénomène ne s’amplifie à cause de la rareté. Le coût de construction, lui, va prendre 20% en respectant les nouvelles réglementations. Alors je pense que les prix de l’immobilier vont exploser à Lyon et sur la Métropole car même si les prix de sortie ne peuvent augmenter indéfiniment, le coût de construction ne peut être la variable d’ajustement du marché pour qu’il fonctionne. Je constate par ailleurs l’explosion du nombre de cols blancs aux réunions de chantiers qui représentent tous ces bureaux d’études qui se multiplient. Il faut être vigilant à ne pas oublier de former des cols bleus qui sont à la base de la production.
©Photo de Norbert Fontanel par Christophe Pouget.
Une interview à retrouver dans le JBTP du 18 février 2021