Traitement des déchets du BTP : ce qui change au 1er juillet prochain pour les professionnels et les particuliers

L’importance et les enjeux de la traçabilité des déchets

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire dispose d’un volet destiné à lutter contre les dépôts sauvages de déchets du BTP. Elle contraint les maîtres d’ouvrage – particuliers ou promoteurs, qui ignorent souvent être les responsables de la destination, à tracer le parcours des déchets produits par leurs travaux de construction, rénovation ou démolition et travaux de jardinage.
Interview croisée sur ce sujet essentiel pour l’environnement avec Jean-Pierre Chambon et Thierry de Gasperis, respectivement président et secrétaire de la Chambre « Recyclage » à la fédération BTP Rhône et Métropole.

Pourquoi ce rendez-vous du 1er juillet est-il essentiel ?

Des études ont montré que sur 30 millions de tonnes de déchets produits chaque année en Auvergne-Rhône-Alpes par le BTP, 1,3 millions de tonnes « s’évaporent ». Soit ces déchets ne passent pas par les installations référencées, soit ils partent dans d’autres régions, soit et surtout ce sont des déchets qui alimentent les décharges sauvages. C’est moins qu’il y a quelques années mais ce n’est pas digne de notre profession d’aller déverser des déchets dans les chemins, les sous-bois ou les fossés. Aujourd’hui l’action des pouvoirs publics, Région, État, collectivités locales, et de nos fédérations, est donc de lutter contre ces dépôts sauvages. C’est la raison pour laquelle la loi AGEC (Anti-Gaspillage Économie Circulaire) concernant la gestion des déchets dans les travaux, va changer les pratiques pour les maîtres d’ouvrage et les professionnels du BTP.

 

Qu’est-ce que cette loi va changer ?

Au 1er juillet prochain, tous les devis réalisés pour des travaux de démolition, rénovation, construction, devront faire figurer l’élimination des déchets sur une ligne dédiée : quantité, nature, destination et process de traitement des déchets, et enfin coût associé. Tous les maitres d’ouvrage sont concernés, dont les particuliers. L’idée est de sensibiliser le particulier au coût de la gestion et du traitement des déchets. Le client pourra demander les justificatifs et les bordereaux de dépôts de déchets qui correspondent au devis et à la facture.

 

Où vont les déchets de tous ces travaux ?

Dans les filières légales et autorisées. Les déchetteries ouvertes aux professionnels, les centres de traitement ou d’enfouissement, les centres de recyclage…  L’idée est de rendre cette filière de plus en plus vertueuse, ce qu’elle est déjà, notamment dans notre région où 83% du tonnage produit est réemployé, réutilisé ou valorisé.

 

Les particuliers en sont-ils conscients ?

Pas toujours. Et pourtant en France, le responsable du déchet, c’est le producteur. Le particulier sera tenu pour responsable s’il fait travailler un professionnel chez lui qui décharge ses déchets en dépôt sauvage. L’autre volet est que le client sache à quel organisme ont été confiés ses déchets afin de pouvoir s’assurer qu’ils ont bien été pris en compte. Pour le contrôle technique d’un véhicule, on s’assure bien que le garage à qui on l’a confié l’a emmené dans un centre agréé. Et on dispose d’un bordereau qui fait foi.

 

Et les professionnels ?

L’artisan, les conducteurs de travaux, le professionnel du paysage, ne sont peut-être pas encore assez informés. Ils devront aller sur des sites de traitement de déchets capables de leur donner un bordereau de traçabilité pour ce qu’ils ont déposé. Il faut rappeler que tout professionnel du BTP en France doit tenir un registre de ses déchets. Il faut une prise de conscience rapide des maîtres d’ouvrage, et en particulier ceux qui vont en déchetterie publique. Ces déchetteries publiques vont d’ailleurs devoir s’organiser pour pouvoir délivrer ces bordereaux avec toutes les mentions obligatoires.

 

Les promoteurs sont déjà vertueux dans la prise en compte des déchets ?

Il y a encore trop de constructeurs qui considèrent que ce n’est pas leur problème. Le constructeur pense que c’est le gros œuvre qui en a la responsabilité, et le gros œuvre pense que c’est la société à qui il a confié les déchets, mais ce n’est pas le cas. Pour se dédouaner totalement de la responsabilité du déchet, le professionnel doit informer le producteur et l’amener dans des filières agréées qui doivent lui délivrer un certificat.

 

D’un côté vous traitez toujours plus de déchets, ce qui est vertueux mais induit tout de même une production de matières non recyclables, de l’autre les centres d’enfouissement vous ferment peu à peu les portes. Le système va finir par imploser ?

Dans ce qui est posé dans les décharges sauvages, il y a beaucoup de recyclable. Il y aussi de l’amiante, qui doit aller en enfouissement, et des déchets de plâtre… Cela dit, c’est en effet un vrai problème. Plus nous allons trier, plus nous allons en effet générer du déchet ultime qui doit être enfoui. Plus il y aura de lois qui favorisent le traitement des déchets, plus on en traitera, plus on en amènera à l’enfouissement. Il y a toujours 20% du volume qui part à l’enfouissement.

 

Mentions « déchets » dans les devis de travaux

A partir du 1er juillet 2021, il sera obligatoire de faire figurer dans les devis de travaux de construction, de rénovation et de démolition de bâtiments ou de jardinage, des mentions concernant les déchets générés par les travaux, à savoir :

  • Une estimation de la quantité totale de déchets générés par l’entreprise de travaux pendant le chantier.
  • Les modalités de gestion et d’enlèvement de ces déchets et notamment l’effort de tri réalisé sur le chantier et la nature des déchets pour lesquels une collecte séparée est prévue.
  • Le ou les points de collecte où l’entreprise de travaux prévoit de déposer les déchets issus du chantier, identifiés par leur raison sociale, leur adresse et le type d’installation.
  • Une estimation des coûts associés aux modalités de gestion et d’enlèvement de ces déchets.

En cas de manquement à cette obligation, une amende administrative est prévue dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.

 

 

Bordereau de dépôt pour les déchets inertes et non dangereux non inertes

A partir du 1er juillet 2021, un bordereau de dépôt devra être remis gracieusement par l’installation de collecte à l’entreprise de travaux qui vient y déposer ses déchets inertes (béton, gravats, tuiles, briques…) et non dangereux (bois, plastiques, métal, plâtre…).

Ce bordereau est à conserver par l’entreprise et à présenter sur demande au maître d’ouvrage du chantier ou en cas de contrôle.

En cas de manquement à cette obligation de lourdes sanctions sont prévues à savoir deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.