Tuile, hausse de prix : les charpentiers-couvreurs ont du mal à suivre

Après la hausse des prix du bois, voici la hausse du prix des tuiles… Avec une première salve début janvier, et une seconde annoncée pour mars. Entre 8 et 26% au total selon les fabricants, confrontés à des hausses de coûts de l’énergie, gaz et électricité. Des hausses que les artisans et entrepreneurs de la Couverture ont beaucoup de mal à répercuter sur leurs clients. Entretien avec Thierry Vouillon, président de la chambre Charpente-Toiture de la Fédération BTP Rhône et Métropole.

Thierry Vouillon : « Ces hausses risquent de casser la dynamique de ventes que nous connaissons »

Tous les fabricants de tuiles ont augmenté leurs prix ?

Oui, les hausses successives sont dues à l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité. Les fabricants de tuiles ont dû faire face à une hausse de la demande de 15% en 2021, qui fait suite à plusieurs années de baisse. Pris de court, ils ont dû puiser dans leurs stocks. Ils ont subi en plus les effets du Covid, avec un arrêt de production, et des difficultés de recrutement, qui ne leur ont pas permis de relancer correctement la production. Résultat, nous avons à la fois une hausse des prix mais aussi des difficultés d’approvisionnement.

S’il y a un manque de tuiles, difficile de faire jouer la concurrence ? 

Nous la ferons jouer tout de même, vu les écarts entre les hausses des uns et des autres. A qualité équivalente, nous irons nous approvisionner au meilleur prix. Mais c’est vrai, ce ne sera pas si simple à mettre en place dans les faits car les tuiliers sont débordés et pauvres en stocks, et ils éprouvent déjà des difficultés à faire face à toutes les demandes.

Avec ces hausses rapprochées vous devez avoir la tentation de sur-stocker ?

En effet. Cela dit, les fabricants ont mis en place des quotas pour livrer tout le monde et nous sommes donc limités dans nos achats. Et d’autre part, nous n‘avons pas de garantie sur les prix, car il faut savoir que nous payons nos tuiles à la livraison, donc le prix peut flamber entre la date de la commande et celle de la livraison. Si entre temps le prix augmente, le couvreur le découvre à l’arrivée !

Les premières hausses ont eu lieu en janvier. Vos devis en tiennent compte ?

Les hausses du fabricant sont bien annoncées deux mois avant, mais les chantiers eux, ne se font souvent pas dans les deux mois qui suivent la signature du devis. Pour la première hausse, nous avons en effet été prévenus deux mois avant, en octobre. Nos devis d’aujourd’hui en tiennent donc compte. Mais pas ceux signés avant octobre 2021 et dont les chantiers n’ont pas encore débuté. Notre gros problème posé par ces hausses réside dans la difficulté voire l’impossibilité dans certains cas pour les artisans et entrepreneurs de la Couverture de les répercuter sur leurs factures. C’est le couvreur qui finit par en être de sa poche. En résumé, le couvreur, lui, donne son prix au devis, le tuilier, lui, donne son prix à la livraison. Difficile en l’état de faire des prévisionnels sérieux.

Quelles sont les conséquences de ces hausses pour vos adhérents ?

Ces hausses ont des conséquences directes pour nos entreprises : des annulations de marchés dès à présent si nous les cumulons ; des pertes financières afin de conserver une activité, je rappelle que nos marges sont d’environ 3% ; un risque très certain de casser la dynamique de vente que nous connaissons.

Car l’activité est plutôt bonne dans votre secteur ?

Oui mais attention. Nos clients ne disposent pas de fonds sans fin. Certains risquent donc de repousser leurs travaux, voire de les annuler dans le cas de rénovations. J’ajoute que même si l’activité est bonne aujourd’hui, nous ne pouvons pas travailler à perte. Les particuliers ont fait des emprunts et ne pourront pas tous accepter la répercussion des hausses de prix si importantes. Certains adhérents m’ont déjà confié avoir refusé des chantiers.

Vous avez tenté de négocier avec les fabricants ?

Oui, ils entendent nos inquiétudes. L’un d’entre eux a accepté de revoir un projet de hausse prévu en mars à la baisse. Mais les efforts ne sont pas suffisants pour nous. Une hausse en janvier suivie d’une hausse en mars nous place dans une situation très instable car nous n’avons pas eu le temps d’anticiper, et je le répète, pas eu les moyens de répercuter ces hausses sur nos factures vu les délais entre nos devis et le début des chantiers. Certains clients sont compréhensifs, mais d’autres restent fermes sur les prix annoncés. D’autres encore ne peuvent plus suivre.

 

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 10 février 2022.