Marie Myriam Favre : « Aujourd’hui nous nous engageons pour que nos filles et petites filles n’aient plus à pâtir de stéréotypes »

La fédération BTP Rhône et Métropole a initié pour le mois de la Femme une grande série d’interviewes de femmes engagées dans les métiers du Bâtiment et des Travaux Publics.
Sur les chantiers et dans les bureaux d’études, à la tête de leur entreprise ou indispensables codirigeantes aux côtés de leur époux artisan, elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans des métiers réputés réservés aux hommes.

Nous avons décidé de prolonger ce mois jusqu’en avril puisque c’était également l’occasion de (re)demander aux adhérentes de la fédération comment elles se situent et s’organisent dans ce monde où le féminin se conjugue aujourd’hui sur tous les modes.

Marie Myriam Favre, codirigeante de Chopin Jean-Paul SAS avec son mari Julien, une entreprise de charpente- couverture-zinguerie créée en 1982 (dix salariés) basée au Perréon, est la présidente de la chambre territoriale du Beaujolais.

Vous avez créé l’entreprise avec votre mari ou vous l’avez rejoint ?

En fait, Julien a racheté l’entreprise de son père il y a douze ans. Je suis arrivée deux ans plus tard. Dans des petites entreprises comme la nôtre, travailler en couple c’est plutôt une force, il y a beaucoup de confiance et nous travaillons pour nous. Nous sommes complémentaires, les femmes mettent peut-être juste un peu plus de forme, de rondeur, de douceur, cela peut servir. Nous abordons des situations sur des angles différents et c’est une vraie richesse.

Comment avez-vous été reçue dans le milieu du BTP ?

Plutôt pas mal en fait, mais j’ai dû faire ma place. J’ai suivi la formation de l’ESJDB (École supérieure des jeunes dirigeants du bâtiment) ce qui m’a rendue crédible plus rapidement.

Nos idées sont bien acceptées et amènent une complémentarité, une collaboration mixte ne peut qu’être fructueuse. Une femme doit montrer ses compétences avant d’être acceptée dans son milieu professionnel. Heureusement, j’ai le sentiment que la jeune génération change et que l’égalité homme-femme sera réelle.

Les femmes sont nombreuses dans la chambre que vous présidez ?

Non, nous ne sommes pas très nombreuses. Il y a deux femmes au bureau tout de même. Nous comptons quelques femmes au sein de notre chambre, mais très peu vont sur les chantiers…Nous sommes surtout présentes sur les fonctions supports.

Vous recherchez des femmes quand vous recrutez ?

La question ne s’est jamais posée. J’ai vu des femmes chez des collègues. Donc il y en a. Mais elles ne sont pas nombreuses. Cela dit, si demain une charpentière se présentait, elle serait évaluée sur ses compétences mais pas du tout sur le genre.

Malgré ses efforts, le BTP peine à convaincre les femmes ?

L’image du BTP reste masculine. Il y a des améliorations mais le chemin est encore long. J’ai une ado à la maison, et je sais que les jeunes filles rêvent d’autres fonctions. En revanche, on constate de plus en plus de reconversions de femmes dans nos métiers.

Avec la technologie, l’accès aux femmes est pourtant facilité ?

Nous avons eu il y a quelques jours justement une présentation par un loueur de matériel d’un appareil qui permet d’assister les levers de bras. Le manque de candidats pousse tout de même la profession à trouver des astuces pour réduire l’intervention humaine sur les chantiers et élargir le champ de recrutement. Il nous faut peut-être communiquer encore plus sur le fait que nos métiers sont accessibles, pas fermés aux jeunes filles. Il y a des affiches, de la communication sur les femmes du bâtiment. Aujourd’hui on peut aussi miser sur les youtubeuses, il y a par exemple une carreleuse qui est beaucoup suivie et peut créer des vocations.

Il y a la communication et l’exemple. Est-ce que le milieu est encore un peu macho ?

Oui encore un peu, surtout sur les générations plus anciennes. Il faut être patient sur tous ces sujets. Je suis par exemple conseillère aux prud’hommes de Villefranche où la parité est la règle. C’est très bien car cela incite à nommer plus de femmes, à nous de profiter de ces occasions pour montrer nos compétences, et je pense que petit à petit il n’y aura plus besoin de quotas. Aujourd’hui, nous nous engageons pour que nos filles et petites filles n’aient plus à pâtir de stéréotypes.

Le mois de la femme est-il encore nécessaire selon vous ?

Non, c’est dépassé. L’intérêt est de montrer qu’il y a encore des différences, mais tout le monde le sait. C’est à nous de montrer que petit à petit, les différences s’amenuisent et puis s’effacent. Faut-il mettre en lumière ce que l’on cherche à estomper ? Arrêtons de nous faire passer pour des victimes et avançons !

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 4 mai 2022.