Les deux premières « Lettre E » comme Écocitoyenneté, Écologie ou encore Environnement, ont connu un véritable succès d’audience. L’initiative de la fédération BTP Rhône et Métropole de vouloir partager avec les acteurs économiques et institutionnels ses engagements, ses interrogations, mais aussi ses solutions sur tous les sujets liés à l’économie circulaire a largement convaincu. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de faire profiter les lecteurs du Journal du BTP de la variété et la qualité des intervenants en reprenant ici l’essentiel de leurs interviewes.
La « Lettre E » d’avril-mai a choisi pour thème « Les déchets : recyclage et économie circulaire », véritable sujet d’actualité marqué par les enjeux des applications de la loi AGEC (loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour l’économie circulaire). Bruno Medori intervenait dans ce deuxième numéro.
Bruno Medori, Directeur Auvergne-Rhône-Alpes de Razel-Bec, filiale TP du groupe Fayat, est le président de la chambre « Déconstruction » de la section TP.
Quand une entreprise déconstruit, elle ne produit que des déchets ?
Au niveau de la législation actuelle oui.
Comment procède-t-elle pour gérer et valoriser ces déchets ?
Il faut séparer l’acte de déconstruire en deux parties. La première concerne la structure gros-œuvre, le béton, les aciers, le bois, voire le verre… Sur toute cette partie-là, il existe des filières de recyclage qui fonctionnent, les produits sont réutilisés entre 90 et 95%, hors matériaux pollués. Nous préservons donc les matériaux et les matières premières. La seconde partie concerne le curage, la déconstruction de tous les matériaux de second œuvre, comme les planchers, les cloisons, les portes, les sanitaires, les moquettes… Tout ce qui est à l’intérieur du bâtiment. Et là, cela devient compliqué. Car les déposer de façon correcte coûte cher, le temps de dépose soignée est supérieur à 20% au temps nécessaire pour casser et évacuer. Et il y a ensuite des pertes – environ 20% – sur l’état de ce que l’on déconstruit, les portes voilées, les plaques de placo ébréchées, les sanitaires salies.
Cette seconde partie prend quel chemin ?
Une partie en réutilisation, les câbles électriques par exemple. Tous les produits de curage deviennent des produits d’occasion qui préservent la ressource. Mais qui dit produit d’occasion dit acheteur, et ils ne sont pas simples à trouver, notamment à cause des normes sans cesse en évolution. Aujourd’hui il n’y a pas de réel marché pour le réemploi, il est essentiellement tourné vers des associations et des particuliers, une partie mineure du marché. La déconstruction d’un bâtiment de 7 ou 8 étages, c’est deux cents tonnes de déchets, si les professionnels ne s’approprient pas le sujet du réemploi, il restera marginal.
Les filières de recyclage existent bien pour le plâtre, le bois etc…
Toutes ces parties-là sont maîtrisées et fonctionnent économiquement. Le verre, le béton, le câblage, etc… Mais le recyclage n’est pas le réemploi. Pour nous, à partir du moment où des filières de recyclage fonctionnent et que nous préservons la matière première, nous sommes déjà vertueux. Aujourd’hui le réemploi est extrêmement difficile.
Que vous impose la loi aujourd’hui ?
La loi dit que nous devons traiter un certain pourcentage de nos déchets. Mais rien qu’avec tout ce qui est gros œuvre, nous sommes largement conformes. En clair, s’il n’y a pas aujourd’hui de volonté politique affichée de réutilisation de ces produits de curage, il ne se passera rien. De notre côté, nous prônons un diagnostic ressource pertinent et quantifié préalable à la phase de curage. Un diagnostic effectué par un indépendant qui évalue en amont ce qui peut être repris ou non. Ce qui va nous permettre de déterminer ce que nous devons déconstruire avec soin ou pas.
Que faire alors pour valoriser ces produits du curage ?
Nous devons être pragmatique. Il ne faut pas renverser la table et y aller étape par étape. Les filières ont aujourd’hui vraiment évolué, et sont matures, comme celles des bétons par exemple. L’effort des maîtres d’ouvrage ne doit pas porter là-dessus. D’autres filières sont naissantes. Sur elles, il faut être lucide et pragmatique. L’utilisateur final va acheter un produit d’occasion qui sera paradoxalement plus cher à mettre en place et en œuvre. J’ajoute qu’il y aura toujours un pourcentage de déchets entre la déconstruction et le réemploi, qui seront stockés sur des plateformes de centres de tri et finiront en décharge.
Comment favoriser le réemploi selon vous ?
Nous devons commencer à être vertueux dès la conception, construire en pensant à la réutilisation future.