Émeline Baume : « L’acteur public doit être exemplaire sur sa maîtrise d’ouvrage »

Les deux premières « Lettre E » comme Écocitoyenneté, Écologie ou encore Environnement, ont connu un véritable succès d’audience. L’initiative de la fédération BTP Rhône et Métropole de vouloir partager avec les acteurs économiques et institutionnels ses engagements, ses interrogations, mais aussi ses solutions sur tous les sujets liés à l’économie circulaire a largement convaincu. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de faire profiter les lecteurs du Journal du BTP de la variété et la qualité des intervenants en reprenant ici l’essentiel de leurs interviewes.

La « Lettre E » d’avril-mai a choisi pour thème « Les déchets : recyclage et économie circulaire », véritable sujet d’actualité marqué par les enjeux des applications de la loi AGEC (loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour l’économie circulaire). Émeline Beaume intervenait dans ce deuxième numéro.

Émeline Baume est première vice-présidente de la Métropole de Lyon, déléguée à l’Économie, l’Emploi, au Commerce, Numérique et à l’Achat public.

Comment avez-vous mis en place l’économie circulaire sur la métropole ? Quelles ont été vos actions les plus significatives ?

Un des premiers points que j’ai souligné en arrivant à la vice-présidence est que l’économie circulaire se situe bien du côté de l’économie et non pas des déchets, ce qui extrêmement important car le message politique est bien de refondre nos modèles économiques. Cela va coûter plus cher d’enfouir et d’incinérer, tant mieux, cela force tous les acteurs économiques à faire des offres de service – si on se centre sur les BTP – qui intègrent l’écoconception, la circularité matière-matériaux et aussi leur fin de parcours. Dans la circularité matière-matériaux il y a le tri sur chantier, le curage sélectif et la dépose sélective, le réemploi… De mon point de vue l’acteur public quel qu’il soit doit être exemplaire sur sa maîtrise d’ouvrage et faciliter les choses avec du foncier, de l’immobilier, de la formation ou de l’accompagnement formatif, voire de l’insertion.

Comment faire pour trier sur les chantiers en zone urbaine où la place est comptée ?

J’entends bien la problématique : pour trier, il faut plusieurs bennes et il n’y a pas la place… je suis d’accord. Mais il y a d’autres dispositifs que les bennes… Notre démarche est de dire : la base c’est le tri sur le chantier, comment peut-on vous aider ? Notre travail c’est accompagner la transformation des filières, c’est à dire envoyer des signaux, ce n’est jamais de la conditionnalité. C’est ce que nous portons dans le cadre de deux expérimentations : Chantier R dont la démarche est d’accompagner le tri sur le chantier, et Station R, qui vise à accompagner le réemploi de matière et matériaux… la dépose sélective, le stockage et leur positionnement ailleurs. Nous avons aussi un sujet sur les terres excavées qui impose aux collectivités et opérateurs de s’organiser pour avoir du foncier, des plateformes dédiées à ces activités de stockage-entreposage avec redistribution de terres ou de matériaux.

Avez-vous noté des premiers résultats sur les comportements ?

Ils bougent mais pas assez vite. Pour le tri sur chantier cela dépend vraiment des entreprises, des conducteurs de travaux, voire du client. Pour ce qui est de la construction, nous sommes dans un environnement où il s’agit encore de produire aux meilleurs coûts et tenir les délais. Je pense que demain il y aura une telle volatilité des prix sur l’énergie comme sur les matières-matériaux que les clients et les architectes laisseront les entreprises composer avec les réalités du moment dans la mesure où l’ensemble correspond bien à la RE 2020, l’idée étant d’utiliser un maximum les matériaux géosourcés et d’abaisser l’énergie grise. La Métropole qui porte des projets se devra d’être exemplaire sur ces sujets.

Ces nouvelles approches sont-elles susceptibles d’attirer de nouveaux jeunes dans les métiers du BTP qui peinent à recruter ?

Bien sûr. Les métiers de l’acte de construire sont utiles, ils ont du sens, ils font vraiment partie des métiers qui doivent pleinement intégrer les enjeux carbone, les enjeux de l’urgence écologique où climatique. Ils offrent des opportunités de faire ici et maintenant.