Marie Myriam Favre : « il faut anticiper au maximum ce qui pourrait se passer dans les mois à venir »

Au sein de la fédération BTP Rhône et Métropole, vingt-six chambres syndicales réparties sur cinq sections, et quatre chambres territoriales, œuvrent au plus près des adhérents. Nous avons choisi de suivre le travail de chacune de ces chambres en posant sensiblement les mêmes questions à chacun des présidents.

Marie Myriam Favre, est codirigeante de Chopin Jean-Paul SAS avec son conjoint Julien CHOPIN, une entreprise de charpente-couverture-zinguerie créée en 1982 (dix salariés, Le Perréon). Elle est la présidente de la chambre territoriale du Beaujolais.

Comment le Beaujolais aborde-t-il cette rentrée ?

La rentrée est plutôt sereine, sans agitation. L’activité est très bonne, les entreprises travaillent beaucoup quel que soit leur domaine d’activité. Et puis nous nous sommes adaptés à la hausse des prix ou à la rareté des matériaux. Un petit bémol concernant les marchés publics, il y a des projets qui restent en suspens depuis les élections.

Parce que vos prix ont explosé ?

La crise des matériaux a évidemment entraîné une augmentation des coûts de construction, coûts qui ne correspondent plus aux budgets prévisionnels des communes et collectivités, elles-mêmes confrontées à des hausses des coûts de fonctionnement : hausse de la consommation d’eau avec les protocoles sanitaires, hausse des coûts de l’énergie avec des incertitudes pour les mois à venir, hausse des prix de l’alimentation pour les cantines… la crise sanitaire, celle des prix qui a suivi, et donc l’envolée des coûts de construction les contraignent à réviser l’amplitude des travaux à réaliser.

L’envolée des coûts de construction freine-t-elle aussi le marché privé ?

Nous avons la chance d’être un territoire très dynamique, nous sommes dans l’axe Lyon-Macon desservi par l’autoroute et le rail, avec trois gares à Belleville, Saint-Georges-de-Reneins et Villefranche sur Saône qui se développent. De nombreuses familles viennent s’installer en Beaujolais, fuyants les prix exorbitants de la Métropole et le manque de foncier. 

Revenons sur la hausse des prix des matériaux, comment vos 160 adhérents vivent-ils cette conjoncture ?

Certains métiers sont plus touchés que d’autres. Les plombiers et charpentiers-menuisiers ont beaucoup souffert, les maçons un peu moins, chacun s’adapte. Nos clients particuliers sont compréhensifs, notamment sur les retards et délais, mais aussi sur certaines hausses de prix incontournables pour peu qu’elles soient raisonnables. L’avantage d’un territoire comme le nôtre, en milieu rural, c’est la proximité couplée à la notion de service après-vente. Nos clients en ont bien conscience. Si la hausse est bien expliquée, la discussion est possible. A nous aussi d’informer au préalable, de proposer des devis à un mois, sur lesquels on stipule que certains matériaux sont susceptibles d’augmenter entre le devis et la livraison. Nous nous sommes adaptés.

Vous avez organisé des formations pour vos adhérents ?

Au-delà du coût chantier, il y a aussi la maîtrise des frais généraux. On nous annonce des hausses du prix de l’énergie, des assurances, un retour à la vérité des prix sur le gazole après le bouclier tarifaire, nous revalorisons les rémunérations du personnel…. Et donc nous proposons en effet le 3 octobre prochain une formation : « mesurer la performance de son activité, utiliser un tableau de bord, aider à la décision ». Nous n’avons plus le choix, il faut anticiper au maximum ce qui peut se passer dans les trois ou quatre mois à venir. Car les devis que nous réalisons aujourd’hui donneront lieu à des ouvertures de chantier l’année prochaine.

Dans quel état se trouvent les trésoreries de vos collègues ?

Nous allons tous faire un bon chiffre d’affaires. Mais les résultats nets vont souffrir de tout ce que nous avons dit auparavant, et notamment du temps d’adaptation et d’ajustement qui nous a été nécessaire pour répercuter les hausses des prix des matériaux. Dans nos territoires, et notamment ici dans le Beaujolais, les entreprises sont gérées en « bon père de famille », nous sommes prudents. Notre principal problème, c’est le recrutement. En milieu rural, nous avons moins de candidats et obligation de permis de conduire. Or nous constatons que les jeunes sont moins autonomes sur les déplacements qu’auparavant.

Vous débordez d’activité, et pourtant les collectivités mettent le frein, les particuliers se trouvent confrontés eux aussi à l’inflation et peuvent repousser travaux ou acquisitions. Comment expliquer ce paradoxe ?

Par le décalage entre la date de signature des devis et celle des débuts de chantiers. Nous sommes encore aujourd’hui sur des chantiers signés en début d’année. Nos délais sont très longs. Ils vont se raccourcir dans les mois à venir, et je pense que l’année prochaine sera synonyme de baisse d’activité. Si les marchés publics ne se réveillent pas, si la tension sur les prix se maintient, si le marché du logement neuf se voit bousculé à la fois par la hausse des coûts de construction, la difficulté d’accéder au crédit bancaire, et aussi les premières applications de la loi « zéro artificialisation des sols », la situation va devenir plus difficile. Tout dépendra de la capacité de financement des ménages et du foncier disponible sur notre territoire.