Jean-Paul Domas : « le métier des étancheurs est en danger »

Au sein de la fédération BTP Rhône et Métropole, vingt-six chambres syndicales réparties sur cinq sections, et quatre chambres territoriales, œuvrent au plus près des adhérents. Nous avons choisi de suivre le travail de chacune de ces chambres en posant sensiblement les mêmes questions à chacun des présidents.

Jean-Paul Domas dirige S.A.R. Étanchéité (liquide ou traditionnelle) et Trace Étanchéité (entretien, recherche de fuites, diagnostics), deux sociétés basées à Vénissieux. Il est le président depuis quatre ans de la chambre des Étancheurs.

Quel est le champ de compétences de la chambre des étancheurs ?

Le métier regroupe la réalisation ou la réhabilitation de toitures plates, toits-terrasse, toitures industrielles en bac acier, le bardage, la vêture, les étanchéités liquides, l’étanchéité des murs enterrés… Dans le neuf nous intervenons juste après le gros œuvre, dans la procédure que nous appelons hors d’eau-hors d’air. Dans la réhabilitation, nous démolissons l’existant pour le refaire. Nous sommes trente-cinq adhérents à la chambre, surtout des PME.

Quels sont vos donneurs d’ordre ?

Du particulier jusqu’aux marchés publics, marchés d’État, marchés privés et industriels et de la sous-traitance pour des entreprises générales. Dans la réhabilitation, nos clients sont des régies, des bailleurs sociaux, des industriels ou des collectivités territoriales.

Vos métiers ont-ils beaucoup souffert de la hausse des prix ?
Nous la subissons depuis 2018, avant le Covid, avec une première vague sur les isolants polyuréthanes dont les cours ont explosé. Une deuxième vague de hausses est venue conforter la première il y a un an. Les polyuréthanes ont été fortement impactés par les hausses de matières premières sur le MDI, un produit chimique qui permet de fabriquer le polyuréthane. Il n’y a que peu d’usines dans le monde au vu de la dangerosité à le fabriquer. Nous sommes donc dépendants de sa disponibilité et de son prix.

Ces hausses sont d’autant mal venues qu’elles correspondent à une vraie volonté politique de réhabiliter pour consommer moins d’énergie ?

Il y a une sorte d’euphorie, surtout de la part des copropriétés, des bailleurs sociaux qui bénéficient d’aides financières pour rénover, et aussi de l’État… L’activité est très bonne, mais nos marges souffrent, notamment sur le neuf avec des marchés traités à prix fermes. Aujourd’hui nous sommes incapables de fournir un devis fiable au-delà d’un mois, alors que nous travaillons à quatre ou six mois en rénovation, et plus d’un an dans le neuf.

Certaines entreprises se retrouvent-elles en grande difficulté ?

Oui, avec des hausses de plus de 50% impossibles à répercuter, certaines sont devenues très fragiles. Elles sont aujourd’hui à la merci de ce qui va se passer dans les six-huit mois à venir. Nous essayons d’encourager nos adhérents à aller au combat pour demander des réactualisations de prix, mais c’est très compliqué. Sur le neuf et les bâtiments industriels, il est quasiment impossible d’aboutir.

Au regard de l’activité soutenue, vous cherchez à recruter ?

Oui, mais sans succès ou presque. Nous connaissons de gros problèmes de recrutement et de formation. Nous nous en sortons tant bien que mal, essentiellement grâce à la cooptation. Le métier est méconnu des jeunes et ne dispose donc pas de véritable formation en France. Au CFA de Dardilly par exemple, pourtant l’un des plus importants du Bâtiment, le métier d’étancheur n’est pas représenté. L’essentiel des formations se fait en interne dans les plus grosses entreprises lorsqu’elles parviennent à réunir une dizaine de candidats. A titre d’exemple, nous avons été jusqu’à vingt salariés chez SAR Étanchéité, nous ne sommes plus que sept ou huit. Nous faisons donc appel à de la main d’œuvre intérimaire, avec des situations parfois intenables de personnels qui vous promettent de venir et ne viennent jamais, ou nous quittent du jour au lendemain.

Sans jeunes, sans formation, votre métier est-il en danger ?

Depuis plus d’une vingtaine d’années. Nous avons donc choisi de communiquer sur nos métiers pour le faire connaître. Nous commençons à nous rendre dans les écoles, à réaliser des vidéos, nous allons nous rendre dans les salons, les forums, c’est notre priorité.

Est-ce encore un métier pénible ?

Nous travaillons en extérieur, nous faisons de l’arrachage, nous portons des rouleaux, même si nous respectons les normes sur les ports de charge, mais il reste des positions inconfortables. Cela ne gêne pas ceux qui font ce métier depuis longtemps, mais peut freiner les vocations. Notre métier est pourtant passionnant, très peu répétitif, avec des chantiers et des techniques toujours différents.