Cela devait être pour 2022, puis pour le 1er janvier 2023, c’est maintenant repoussé au 1er mai. La fameuse REP, Responsabilité Élargie du Producteur, tarde à se mettre en place, mais ce n’est pas une si mauvaise nouvelle pour les entrepreneurs et artisans du secteur du Bâtiment. Car si les quatre éco-organismes agréés pour la REP Bâtiment ont enfin été retenus, la filière REP est encore trop floue dans les esprits, il manque des précisions, sur les règles, sur les tarifs, il manque de clarté et d’information… Bref, il était urgent d’attendre même si toutes les parties conviennent de la nécessité de son application. Le point avec Stéphane Eyraud, directeur général de Stracchi (canalisations), et gérant de Revaly, un centre de recyclage situé à Vaugneray. Il est également président de la chambre de Recyclage de la fédération BTP Rhône et Métropole.
« Le dispositif sera progressif sur plusieurs années, la gratuité ne sera pas effective au 1er mai prochain »
Stéphane Eyraud
Les quatre éco-organismes (1) de la filière REP Bâtiment ont annoncé le 19 décembre dernier le report du démarrage opérationnel en mai prochain. La date du 1er janvier n’est donc plus à retenir par les entrepreneurs et artisans ?
Au contraire. Depuis le 1er janvier, les entreprises « productrices » doivent adhérer à l’un de ces quatre éco-organismes. Le système de l’écocontribution, et le démarrage des services de reprise gratuite des déchets triés ne seront en effet opérationnels qu’en mai prochain. 2022 a été une sorte d’année de rodage, il a fallu choisir les éco-organismes, qui eux-mêmes sont en train de recenser les plateformes de recyclage et traitements des déchets existantes, dans le but de disposer d’un état des lieux parfait début 2023. De notre côté, nous avons travaillé sur la traçabilité. Les centres de recyclage ont par exemple formé-demandé aux chauffeurs de camions qui arrivent à la bascule de savoir et prouver d’où provenait leur chargement.
Qu’est-ce qu’une entreprise « productrice » ?
Pour les produits fabriqués, l’écocontribution sera payée sur le produit. Pour le béton par exemple, c’est l’entreprise qui fabrique ou distribue ce béton qui va payer l’écocontribution et la reporter sur sa facture à l’utilisateur. Cette somme perçue par l’éco-organisme est destinée à payer la gratuité de la fin de vie des déchets du produit. Reprenons l’exemple du béton. Il y a un chantier de déconstruction d’un bâtiment sur la métropole. Tout le béton démoli va rentrer gratuitement dans un centre de recyclage qui va le refacturer avec traçabilité parfaite à l’éco-organisme qui aura été financé sur la fabrication. C’est ça la boucle de la REP. Mais, pour que ce béton soit accepté il faut qu’il soit trié, c’est impératif, car l’objectif est de pousser les entreprises à trier. Si c’est du béton mélangé à de la terre et du plastique, l’entreprise devra encore payer le béton démoli. Ce sera la plateforme de recyclage qui jugera du bon tri.
Attention, le dispositif est progressif sur plusieurs années, la gratuité ne sera pas effective au 1er mai prochain, et cela ne concerne que les chantiers de Bâtiment et non de Travaux Publics. Ceux qui font du TP pur ne sont pas concernés.
A part le béton, quels sont les produits concernés ?
La liste des produits est plus précise aujourd’hui. Pour les inertes : l’ardoise ; le béton, les mortiers ou les composants pour les fabriquer ; la pierre, le calcaire, le grès, le granit et même la lave ; la céramique, la chaux, et toutes sortes de granulats ; les enrobés ; la terre cuite et crue. Sont exclus les terres excavées, les monuments funéraires et tout ce qui est nucléaire. Pour le second œuvre : tous les déchets du bâtiment. Il faut respecter la règle des 7 flux pour avoir une demande de gratuité. C’est déjà en cours. Aujourd’hui quand l’entreprise trie elle paye déjà moins cher, environ 30 % du prix d’une benne non triée. Pour les chantiers de métropole où il est difficile de trier, il existe des dérogations. La benne est acceptée mais ne sera pas gratuite.
L’idée de base, c’est important reste « moins on trie plus c’est cher ».
Qui va former les entreprises à trier ?
Nos syndicats professionnels montent des formations au fur et à mesure que les lois sortent. Dans le département du Rhône, nous sommes d’ailleurs largement en avance sur ces points. En termes de revalorisation, recyclage ou réutilisation, nous sommes au-delà de 80% dans le Rhône. Nous préparons déjà tous les adhérents de la fédération. Nous travaillons à la mise en place des documents pédagogiques pour le second semestre afin que la profession s’habitue aux nouvelles règles de la REP.
Donc pour l’instant pas de gratuité à l’entrée des centres de recyclage ?
Le choix des éco-organismes a pris du temps. La filière va être plus longue à se mettre en place sur les matériaux inertes que sur la totalité des déchets du Bâtiment car nous sommes encore dans l’inconnu. Rien ne va bouger au premier semestre. Les centrales à béton auront leur écocontributions, mais les centres de recyclage, eux, n’ont pas encore leurs prix. Nous sommes plus dans l’inconnu que les producteurs. Mais tout le monde a envie de travailler dans le même sens. Ça fonctionnera. Quand on n’a plus le choix, il faut mettre en place les systèmes qui fonctionnent.
(1) Les quatre éco-organismes sont : Valobat, Valdelia, Ecominéro et Ecomaison.
« Ce décalage relève du bon sens dans un contexte chaotique de mise en place de cette filière REP. L’anticipation est la clé de la réussite d’un démarrage serein. Au vu du retard pris par la filière, il n’y avait pas d’autre option possible. »
Olivier Salleron, président de la FFB
La REP c’est quoi ?
Principe de la REP : une reprise gratuite des déchets triés, financée en amont par une éco-contribution lors de l’achat du matériau-produit de construction.
Dans le cadre d’une filière REP, les metteurs sur le marché (fabricants, distributeurs pour les produits de leurs propres marques, les importateurs sur le marché français), doivent prendre en charge, notamment financièrement, la gestion des futurs déchets issus de leurs produits. C’est le principe du « pollueur-payeur » : une éco-contribution sera appliquée sur la vente des matériaux et produits de construction. Cette éco-contribution est versée à un éco-organisme qui est chargé de mettre en place les filières de récupération/valorisation des déchets.
Ainsi, une partie du coût de collecte et traitement des déchets peut être internalisé dans le prix de vente des produits permettant une reprise gratuite sous conditions des déchets triés dans les points de reprises des filières.
Les points en suspens attendus par la profession :
- La définition des règles de tri pour bénéficier de la gratuité de reprise.
- La publication des points de collecte partenaires de la REP en 2023.
- La création de l’organisme coordonnateur de la filière.
- Les précisions sur la définition du producteur.
A lire dans l’édition du Journal du BTP du 19 janvier 2023.