François Reppelin : « Il faudrait un plan Marshall de rénovation pour les économies d’énergie »

Les trois premières « Lettre E » comme Écocitoyenneté, Écologie ou encore Environnement, ont connu un véritable succès d’audience. L’initiative de la fédération BTP Rhône et Métropole de vouloir partager avec les acteurs économiques et institutionnels ses engagements, ses interrogations, mais aussi ses solutions sur tous les sujets liés à l’économie circulaire a largement convaincu. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de faire profiter les lecteurs du Journal du BTP de la variété et la qualité des intervenants en reprenant ici l’essentiel de leurs interviewes.

La « Lettre E » de janvier 2023 a pour thème « L’énergie », véritable sujet d’actualité marqué par la crise qui a imposé de repenser tous les champs concernés dans les métiers du BTP par la sobriété énergétique.

Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?

Aujourd’hui, avec la crise énergétique que nous traversons, notre gouvernement nous parle de sobriété, écogestes… C’est très bien, mais plus concrètement ? Le thermostat à 19 degrés ne suffit pas. Il faudrait lancer un plan Marshall de rénovation pour les économies d’énergies. Lorsque l’on regarde les budgets et plans de financement annoncés, il n’y a jamais eu autant d’aides, mais pour des cas qui restent spécifiques. Par exemple, une dame retraitée avait ainsi le projet d’isoler sa maison, mais elle installe déjà une pompe à chaleur, et n’a pas suffisamment d’aide pour pouvoir faire davantage. Si nous voulons garder nos habitudes de confort tout en diminuant nos consommations, nous devons absolument entreprendre de grands travaux énergétiques, dans tous les secteurs – logements, tertiaire, entrepôts de stockages… Il faut donner un élan, proposer des solutions, accompagner. L’information, des subventions sont là -, mais il manque encore de grandes impulsions. Ce mauvais pas actuel devrait être l’occasion de changer les mentalités et d’aller encore plus loin dans les programmations pour des travaux d’économie d’énergie.

Quelles sont les conséquences pour votre activité ? 

Aujourd’hui, avec le prix de l’énergie, le ROI n’a jamais été aussi rapide. Mais entre la problématique des coûts des énergies pour se chauffer – fioul, gaz ou électricité et celle les matériaux à utiliser pour effectuer les travaux d’isolation et de rénovation, la conjugaison des deux peut être la double peine. Alors que nous disposons, pour les rénovations, des moyens techniques et des matériaux qui peuvent permettre de vivre confortablement en consommant moins. Mais la conjoncture provoque un phénomène d’attentisme. 

Qu’en est-il des techniques d’isolation ?

Sur les programmes neufs, la direction prise est celle d’un bâtiment qui soit le plus autonome possible. Tous les systèmes se valent, à condition de les adapter parfaitement aux spécificités du bâtiment – localisation, implantation, exposition, nature… Le cap, pour demain, c’est l’autosuffisance d’un bâtiment qui consomme le moins possible. Une notion de plus en plus présente est celle du déphasage, qui permet de se protéger de la chaleur en été en gardant de la fraicheur en extérieur.

Comment les matériaux ont-ils évolué ?

En 20 ans, on n’observe pas forcément un gros changement en termes de performances d’isolation, mais plutôt sur des matériaux décarbonés et biosourcés. Hier on employait du polystyrène, aujourd’hui beaucoup de laine de roche, demain ce seront des matériaux isolants comme la fibre de bois, le liège, la laine à base de fibres végétales. Ils sont légèrement plus chers, nécessitent une mise en œuvre plus longue, mais offrent des propriétés intéressantes : le gros avantage de la laine de roche, c’est sa résistance au feu ; celui des matériaux biosourcés, la perméance à la vapeur d’eau. 

La politique de la Métropole de Lyon est de s’orienter au maximum vers le biosourcé, mais est-ce que ces choix ne sont pas aussi des freins au nombre d’opérations traitées ? 

Les matériaux sont récents, les filières n’ont pas encore de chaînes aussi nombreuses que les systèmes classiques, ce qui entraine des délais de livraison énormes et donc ralentit le nombre de chantiers. Est-ce qu’il ne faudrait pas temporiser l’emploi de ces matériaux afin que les fabricants puissent développer leur chaine d’approvisionnement, monter des usines, installer des machines… Ce temps que l’on ne prend pas aujourd’hui est du temps perdu sur la réalisation des chantiers.

François Reppelin est directeur de Reppelin Entreprise, spécialisée dans les traitements de façades et l’isolation extérieure et dont le siège est à Chassieu. Il est le président, depuis début 2020, de la commission Énergie et Bâtiment responsable.

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 23 février 2023