Avec de nouvelles majorités politiques à la tête des grandes collectivités comme Lyon et la Métropole, la réorganisation de leurs services, et la généralisation de nouveaux critères et exigences d’attribution des marchés publics, le paysage dans lequel évoluent les entreprises du BTP a véritablement été chamboulé ces dernières années.
Les changements de paradigme, et surtout l’adaptation à ces changements, ne sont pas une problématique en soi pour les entreprises du BTP qui portent en elles le gène de l’adaptabilité. Ils nécessitent en revanche des échanges entre les acteurs pour prendre la mesure de ces évolutions et l’observatoire représente un cadre idéal.
Dans un autre contexte, en 2005, la fédération BTP Rhône et Métropole avait créé le très utile Observatoire de la Commande Publique, lieu d’échange d’informations et d’expérience entre les maîtres d’ouvrages publics et les entrepreneurs. Avec un seul mot d’ordre sur la base de données statistiques précises : se parler. Échanger. « Mettre de l’huile » entre les deux parties, c’est-à-dire faciliter et lisser une commande publique coutumière des périodes de creux et de suractivité liées au cycle électoral.
Aujourd’hui cet Observatoire ne fonctionne plus de manière optimale et subit un manque de participation des maîtres d’ouvrages publics.
Non pas par manque de projets, ni de marchés publics, juste par la désaffection sans doute conjoncturelle des représentants des maîtres d’ouvrage aux deux rendez-vous annuels de l’Observatoire.
Or avec les seuls entrepreneurs autour de la table, pas de dialogue possible. Pas d’échanges, pas d’avancées. Et sans présence des élus ou de leurs chefs de services à ces rendez-vous, pas ou peu d’incitation pour les entreprises à répondre aux consultations sur leurs marchés … alors qu’il est pourtant utile pour eux de communiquer régulièrement sur l’évolution des conditions de mise en concurrence. Cela est d’autant plus vrai dans une période où les attentes et les exigences s’accroissent dans les cahiers des charges afin de répondre aux nouveaux enjeux environnementaux ou sociétaux.
La fédération BTP Rhône et Métropole appelle donc les maîtres d’ouvrage publics du département à réinvestir l’Observatoire de la Commande Publique. Parce qu’ils y trouveront leur intérêt, avec des entreprises qui pourront mieux anticiper ces nouveaux besoins et auront également plus de visibilité pour étudier les projets et réunir les moyens nécessaires pour exécuter les travaux.
A quoi sert vraiment l’Observatoire, pourquoi entrepreneurs et maîtres d’ouvrage ont intérêt à dialoguer ? Le point sur ce sujet essentiel, à l’heure où Sytral Mobilités – par exemple – lance plusieurs gros chantiers et que les principaux projets du mandat de la Métropole de Lyon vont bientôt être lancés, avec Pascal Royer, animateur de l’Observatoire de la Commande Publique et directeur d’établissement d’Eiffage Route centre-Est.
Pascal Royer : « L’Observatoire est un espace d’échange, de partage d’expériences, apolitique et utile à tous »
Comment est né l’Observatoire de la Commande Publique ?
Il s’agit d’un outil mis en place en 2005 à partir du constat par les donneurs d’ordres publics d’un manque de réponses des entreprises à leurs appels d’offres, et donc de l’intérêt à mieux suivre la commande publique. De leur côté, les entreprises trouvaient un intérêt à connaître en amont les prévisions d’activité.
De quel outil s’agit-il ?
La CERC, l’Observatoire régional de la Filière Construction (1) récolte toutes les données à la fois sur les indicateurs de la passation des marchés (allotissement ou non des opérations, le nombre de réponses aux appels d’offres, les critères de choix retenus et pondération, conditions d’exécution en matière sociales, délais des procédures d’attribution…) et détaille les programmes de travaux et les prévisions budgétaires d’investissements dans le BTP. Autant d’éléments qui répondent aux intérêts des maîtres d’ouvrages et des entreprises.
Une restitution est organisée deux fois par an et permet des échanges toujours utiles. Les maîtres d’ouvrage peuvent en effet prendre le pouls de l’activité des entreprises qu’ils font travailler, mesurer les périodes de suractivité ou au contraire de moindre activité ; ils peuvent également comparer les différentes manières de passer des appels d’offres de la part d’autres donneurs d’ordres, notamment sur l’aspect environnemental omniprésent aujourd’hui ou sur le plan social également.
Si chacun y trouve un tel intérêt, pourquoi les élus ou les représentants des services sont moins présents à ces rendez-vous biannuels ?
Nous constatons en effet un manque flagrant de présence des maîtres d’ouvrage lors de la présentation des travaux de la CERC ARA, notamment depuis les changements d’équipes il y a deux ans. Nous n’avons plus de maître d’ouvrages en face de nous. Les nouveaux élus ne trouvent peut-être pas ou ne comprennent pas encore l’intérêt à la démarche ou leurs services ne leur ont pas souligné son importance. Le bon point est que les entrepreneurs, eux, sont bien présents. Je dis donc aux donneurs d’ordre publics : Venez ! Il s’agit d’un espace d’échange, de partage d’expériences, apolitique et utile à tous. D’autant plus dans une période où les attentes sont de plus en plus importantes vis-à-vis de la nature de nos travaux comme en matière d’’acceptabilité de nos chantiers.
Leur présence paraît pourtant essentielle avec les hausses de prix…
Le contexte inflationniste impacte fortement la passation et l’exécution de nos marchés. Pour nos entreprises, il est vital d’avoir une visibilité sur le volume d’activité et des perspectives sur l’évolution de nos coûts. Rarement, également, les conditions d’exécution de nos chantiers ont été aussi chahutées par le contexte économique qu’aujourd’hui. C’est pourquoi, leur participation apparaît plus que jamais essentielle.
Quelles sont les conséquences de l’inflation sur les marchés publics ?
Face à l’ampleur des surcoûts, les entreprises ne peuvent pas être seules à en absorber l’impact, qui bouleverse l’économie des contrats et met certaines en péril. C’est pourquoi nous en avons appelé à la bienveillance des donneurs d’ordre publics (et de nos maîtres d’ouvrage privés), afin que les conséquences de cette situation, qui résultent de circonstances imprévisibles pour le maître d’ouvrage comme pour l’entreprise au moment de la constitution des marchés, puissent être partagées. Pour l’avenir, nous attirons naturellement l’attention sur les budgets des opérations et sur leur possible décalage par rapport aux conditions actuelles d’exécution des marchés. Cette situation nécessite que les budgets des opérations fassent l’objet d’une réactualisation. Par ailleurs, pour la constitution des futurs marchés, il faudra veiller à les rendre plus adaptés à ce nouveau contexte avec l’insertion de clauses de variation des prix.
(1) La CERC Auvergne-Rhône-Alpes rassemble l’ensemble des partenaires publics et privés de l’acte de construire au niveau régional : organisations professionnelles, services de l’État, collectivités territoriales, organismes financiers, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, concepteurs, organismes consulaires.
Son objectif est le développement d’une expertise locale pour apporter des outils d’aide à la décision de qualité à l’ensemble des partenaires publics et des professionnels de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
L’Observatoire de la Commande Publique
Crée en septembre 2005, l’Observatoire de la commande publique est composé des principaux donneurs d’ordres publics du département. Il est né de la volonté des maîtres d’ouvrages et de la fédération BTP Rhône et Métropole de pérenniser un cadre de suivi et d’échanges consacré à la passation des marchés publics.
S’agissant du suivi de la commande publique, il est réalisé à l’aide de plusieurs outils :
Un tableau de bord de la commande publique est constitué chaque année grâce
- au concours des maîtres d’ouvrage, qui confient les données sur leurs marchés.
- à un partenariat entre la CERC Auvergne-Rhône-Alpes et BTP Rhône et Métropole.
Ce tableau de bord est établi pour l’année N sur la base des marchés passés l’année N-1 et des données individualisées de chaque maître d’ouvrage, qui permettent de produire des données globalisées sur les pratiques en matière de passation des marchés (l’allotissement, les critères de choix ou la pondération par exemple) dans le département.
Plusieurs autres outils ont été mis en place, afin de mieux anticiper la commande publique.
Dans ce domaine, la CERC Auvergne Rhône-Alpes a créé :
- un historique des budgets primitifs et de leur taux de réalisation pour les dépenses en matière de BTP (depuis 2008). Cela permet de présenter différents scenarii (pessimiste, médian ou optimiste) pour l’année à venir.
- un inventaire des programmes de travaux auprès des maîtres d’ouvrage publics.
Récemment, la plus grande partie de l’évolution de l’Observatoire a été consacrée à la simplification (pour faciliter la réponse des maîtres d’ouvrage à l’enquête) et à l’amélioration du tableau de bord (notamment avec l’intégration du suivi des contrats de maîtrise d’œuvre pour mieux cerner la bascule des opérations en phase travaux).
A lire dans l’édition du Journal du BTP du 25 mai 2023