C’est le second chantier d’envergure sur la métropole qui accueille un animateur-facilitateur de chantier. Après le vaste programme de rénovation de l’Ecole Centrale d’Écully où officiait Zbigniew Kolek à titre d’expérimentation, c’est un projet de construction cette fois, celui de Plug & Play à Limonest, qui accueille chaque jour Alexandre Vacher dont la mission a débuté en mars, à la fin du gros œuvre.
Toujours à la manœuvre derrière l’invention et la mise en place de ce nouveau métier du Bâtiment – qui va vite devenir indispensable à la vie des chantiers, l’association « Construire Pro », présidée par Didier Lenoir et dirigée par David Helleux dont l’objectif est simple : « fluidifier à travers une présence humaine quotidienne – mais sans autorité légale – tous les échanges entre les différents acteurs présents sur le chantier ».
Proposé par Jean-Claude Boni, (P.B. Constructions) membre actif de Construire Pro et gestionnaire du compte prorata sur Plug & Play, au maître d’ouvrage le Groupe DCB International, Alexandre Vacher a donc été engagé en mars dernier pour « mettre de l’huile » sur le chantier de Limonest. Reportage à ses côtés.
Première rencontre sous le soleil de mai. Alexandre, 37 ans, pourrait être le grand frère de Karim Benzema sans que cela ne choque personne tant la ressemblance est frappante. D’ailleurs, sur le chantier, tout le monde l’appelle Karim. Avec David Helleux, présent pour une visite express des travaux, nous trouvons un Alexandre épanoui. Dans son élément. Ancien conducteur de travaux dans de grosses sociétés de construction de maisons individuelles, il a tout simplement déposé son CV sur le stand de la fédération BTP Rhône et Métropole lors du Printemps du BTP. CV qui est vite revenu à David Helleux, qui nous précise sa mission sur Plug & Play.
« La mission d’Alexandre est d’être l’interface avec la maitrise d’ouvrage puisqu’il dispose d’informations au jour le jour qu’il peut partager ; il a également une mission particulière sur le travail illégal, il vérifie les entrées des compagnons avec la carte d’identification professionnelle ; il veille aussi à la propreté du chantier dans la droite ligne de la philosophie de Construire Pro, et de celle du maître d’ouvrage très exigeant en termes d’exemplarité de chantier. Alexandre ne cesse d’être tous les jours derrière les compagnons pour leur faire passer des messages en ce sens… »
Justement, a-t-il été bien reçu, Alexandre, par les compagnons malgré ce rôle de « père fouettard » qui demande une once de diplomatie ? « Oui, j’ai été bien reçu par les compagnons, étonnamment, alors qu’ils savaient que j’allais être derrière eux, surtout au niveau de la propreté. Ils ont bien compris la démarche, et cela a été une bonne surprise pour moi. J’ai de mon côté un avantage avec mon expérience de conducteur de travaux, au niveau de la relation avec les compagnons, comme au niveau du contrôle ».
Et en effet le chantier que nous visitons semble exemplaire et pourrait donner des idées à quelques bricoleurs du dimanche qui en oublient le principe… jusqu’à l’accident. « En ce moment il y a beaucoup d’activité » explique Alexandre, je passe surtout en fin de journée pour veiller à la propreté qui pour moi est synonyme de sécurité. Il n’y a ici que des pros, des gens sérieux, environ 50 à 60 compagnons chaque semaine tout de même sur le chantier. J’essaie avant tout de faire changer les mentalités, et de redorer un peu l’image du BTP », conclut-il en montrant un tas de déchets laissé sur une terrasse par une entreprise débordée, entreprise avec laquelle il a déjà évoqué le sujet en tête à tête avec son représentant qui a lui a certifié faire appel au plus vite à une entreprise de nettoyage.
Il a été bien reçu, Alexandre, peut-être aussi parce que tout le monde sait qu’il est en lien permanent avec la maîtrise d’ouvrage. D’abord, il participe à toutes les réunions hebdomadaires avec le staff dirigeant, et ensuite Construire Pro lui a demandé de rédiger des rapports de propreté tous les quinze jours environ voire plus si nécessaire en cas d’actions urgentes à mener. Les entreprises sont notées par des couleurs, avec des rapports photos et actions à mener. Il y ainsi une trace diffusée à l’ensemble des acteurs, maîtrise d’ouvrage et d’œuvre, entreprises, OPC etc. Un rapport hebdomadaire sur la liste des salariés contrôlés lui est également assigné.
Propreté, contrôle des cartes pros, la mission est encore plus large. Alexandre est un multitâche, un polyvalent, et la liste est non exhaustive : gestion des flux de chantier avec par exemple les livraisons qui peuvent s’avérer un peu anarchiques. Il y a aussi une partie gestion des déchets, des rotations des bennes, sur ce point Alexandre prend les relais de l’entreprise de gros œuvre. Sur le chantier, chaque entreprise est responsable de l’évacuation de ses déchets, et non pas le compte prorata, cela les rend plus responsables.
Un dernier exemple de polyvalence s’il en était besoin, une panne d’ascenseur il y a quelques semaines. « L’ascensoriste croyait avoir réglé le problème, j’ai pu constater que non, c’est en étant sur place que j’ai pu donner l’alerte au plus vite. Ici certains corps d’état ne peuvent travailler sans ascenseur. Ils étaient en train de refaire un faux plancher au 2e étage, et avaient besoin de dizaines de palettes de plus de 360 kg chacune ! Impossible sans ascenseur.
Alors bien sûr, un animateur-facilitateur de chantier coûte de l’argent, il faut prendre en charge son salaire. Mais tout le temps gagné pendant la durée des travaux est extrêmement important même si ce n’est pas quantifiable et qu’il difficile de mettre en place des indicateurs de réussite. « Un indicateur important est la maîtrise du compte prorata », explique David Helleux, « s’il n’explose pas c’est bénéfique pour tout le monde. Et s’il n’y a pas de glissage Alexandre y est pour beaucoup ».
Jérôme Brugger : « Une bonne plus-value à apporter à notre chantier »
Jérôme Brugger est responsable technique adjoint à DCB International, en charge des suivis d’exécution des bâtiments. DCB International est le maître d’ouvrage du projet Plug & Play.
Pourquoi avoir décidé d’ouvrir un poste d’animateur-facilitateur chantier sur Plug & Play ?
Ce poste nous a été proposé par Jean-Claude Boni (PB Construction), nous avons pensé qu’il s’agissait d’une bonne plus-value à apporter au chantier, nous avons souhaité tenter l’expérience. J’aime vraiment ce terme de « facilitateur », nous y trouvons un vrai avantage, que du positif. Alexandre est un véritable relais sur le chantier, mon troisième œil, il m’évite des allers-retours, ce n’est que bénéfice. J’ai besoin d’une cote, je l’appelle ; je veux savoir si telle intervention importante a démarré, je l’appelle ; Alexandre est dans mes favoris maintenant ! Je pense qu’il a bien trouvé sa place, il est vraiment là pour accompagner, et il me paraît à l’aise sur ce chantier.
Est-ce que ce job va devenir incontournable ?
A terme oui, il ne peut qu‘être dupliqué sur d’autres chantiers. D’ailleurs, nous en parlons déjà autour de nous et nous le recommandons. Et puis nous l’avons déjà repris pour ce qui nous concerne, puisqu’Alexandre interviendra pour une mission similaire sur la construction des deux bâtiments voisins, (C1-C2), qui seront en lots architecturaux en octobre.
Nicolas Roiret, Botta SAS : Trois points extrêmement positifs »
« C’est vraiment un facilitateur, Alexandre aide tout le monde, il facilite les relations entre les entreprises sur le terrain, et c’est un homme-clef en matière de sécurité. Il a aussi une partie contrôle, sans titre de police bien sûr, de l’habilitation de chacun à se trouver sur le chantier. Trois points que je considère extrêmement positifs. Il y a cela dit sur ce chantier un maître d’ouvrage qui remplit parfaitement ses fonctions, et des entreprises respectueuses de leurs compagnons, de leur formation et de leurs collègues. Le contexte est favorable. Autre point important pour nous : même si Alexandre est en partie pris en charge par le compte prorata des entreprises, nous sommes persuadés de nous y retrouver financièrement »…
Lucas Mencarelli, OPC : « c’est exceptionnel »
L’OPC (Ordonnancement pilotage coordination) dépend du maître d’œuvre. Il gère la coordination inter-entreprises et la planification des interventions. En relation avec le maître d’ouvrage en permanence, il répercute ses demandes sur le chantier et s’assure que le projet soit réalisé correctement et dans les temps. « La présence à nos côtés d’un facilitateur chantier, c’est exceptionnel, Alexandre est quasiment un chef de chantier en permanence sur place, qui nous permet de réagir beaucoup plus vite en cas de souci, et d’avoir un chantier beaucoup plus propre et plus facile ».
Construire Pro c’est quoi ?
L’association Construire Pro est une émanation de la fédération BTP Rhône : « nous travaillons sur des sujets transverses liés au contexte du Bâtiment, et sur les améliorations des pratiques » explique David Helleux. Construire Pro est aujourd’hui divisé en trois sections : Construire Propre depuis 2015, dont l’objet est d’améliorer l’image du BTP à travers la propreté des chantiers. Carte Pro depuis 2017, dont la mission porte sur le travail illégal à travers la vérification des cartes d’identification professionnelle. Et puis LogistiQ qui est un outil informatique d’aide à la gestion des livraisons de chantiers, utilisé à la Part-Dieu ou à l’Hôtel Dieu par exemple avec Eiffage.
A lire dans l’édition du Journal du BTP du 15 juin 2023