C’est dans les très beaux jardins du château de Corcelles, dans le Beaujolais, que Norbert Fontanel et les membres du bureau ont convié les adhérents de BTP Rhône à l’Assemblée Générale et à la traditionnelle fête avant l’été. Vous avez été très nombreux à répondre présent à cette invitation, signe probant de la bonne santé de la fédération BTP Rhône et Métropole, et de l’envie de chacun de se retrouver dans un contexte économique compliqué marqué par la chute de la construction, synonyme d’avenir incertain.
Cerise sur le gâteau, entre l’AG officielle et les agapes, l’intervention brillante et volontairement percutante de Julien Estier, conférencier, spécialiste des jeunes générations, qui est venu livrer quelques clefs pour mieux recruter et, plus largement, mieux communiquer avec de jeunes compagnons aux aspirations parfois – souvent ? – en décalage avec les attentes des chefs d’entreprises.
Retour sur cette belle soirée avec Julien Estier, Norbert Fontanel, Marie-Myriam Favre, Éric Doublier et Éric Bouvard.
Norbert Fontanel : « L’intelligence de la main est quelque chose qui compte »
Norbert Fontanel est le président de la fédération BTP Rhône et Métropole
« Au cours de notre AG, j’ai rappelé l’importance des territoires par rapport à la métropole, j’ai rappelé également les deux autres thèmes de mon mandat : prendre soin de nos compagnons, parler d’eux, dire que l’intelligence de la main est quelque chose qui compte ; et puis le fil rouge de tous nos métiers, qui sera le développement durable. Nous avons aussi lancé le concours « Le chantier en mouvement », il s’agit de réaliser des vidéos d’une minute pour montrer que l’on s’éclate dans le Bâtiment, nous savons être sérieux dans nos métiers mais nous savons également nous détendre. Le dernier point que j’ai évoqué ce sont les Worldskills, dont la finale nationale aura lieu en septembre à Lyon, comme la finale mondiale l’année suivante ».
Marie-Myriam Favre : « Le Beaujolais est un territoire d’avenir »
Marie-Myriam Favre est présidente de la chambre territoriale du Beaujolais, et vice-présidente en charge des Territoires aux côtés de Norbert Fontanel.
« J’ai profité de cette AG pour présenter le Beaujolais dans son ensemble – le BTP y représente 15% de l’activité économique – un secteur attractif situé sur l’axe Lyon-Paris, avec de nombreuses bretelles d’autoroute, un bel atout. Nous avons la chance d’avoir ici une CCI, un conseil des Prud’hommes, un tribunal de commerce, bref c’est un territoire d’avenir, où on construit, puisqu’il y a par exemple plein de projets de logements sur Belleville. Nous sommes 158 adhérents toutes activités confondues, la plupart des entreprises ont moins de dix salariés, elles sont bien implantées dans nos villages et participent à la vie économique.
Et enfin j’ai évoqué l’arrivée du Tour de France à Belleville cette année, une très belle opportunité, nous sommes d’ailleurs partenaires avec une animation sur nos métiers, le 13 juillet au matin rue de la République ».
Julien Estier : « A tous les jeunes qui se demandent à quoi sert leur job, le BTP a des réponses »
Julien Estier, conférencier, est le co-créateur et co-directeur de Link’s.
En matière de recrutement, qui doit faire le premier pas ? Le candidat ou le chef d’entreprise ?
Clairement l’entreprise doit faire le premier pas. C’est une question d’offre et de demande. Si demain les indicateurs venaient à être inversés, comme en Chine par exemple, où le taux de chômage chez les jeunes devient catastrophique, le phénomène se renversera. Mais l’équation est simple : un recruteur qui ne reçoit plus de CV doit se transformer et vite. Nous sommes dans une société où il faut donner la récompense aujourd’hui pour espérer qu’il y ait un effort derrière. Et d’accepter que l’effort soit sur le court terme. Les entreprises qui pensent aujourd’hui recruter des jeunes pour au moins cinq ou sept ans, vivent dans l’espoir. Deux ans est un objectif raisonnable. Et donc cela implique de tout changer.
Faut-il donc former en urgence les chefs d’entreprise ?
Je vois des entreprises qui rivalisent d’ingéniosité en termes de qualité de vie au travail, qui modernisent leurs outils et process. Tout cela est très utile. Mon créneau est de dire que le plus important est d’investir la qualité de la relation. Il s’agit donc de former à la fois le chef d’entreprise mais également celles et ceux qui sont en situation de management sur le terrain. Mon objectif est d’expliquer à tous ceux qui accompagnent des jeunes : arrêtez de vous dire qu’ils ne veulent pas travailler, qu’ils ne sont pas motivés, ils attendent juste autre chose du monde du travail, de vous, de la relation que vous allez créer ensemble. Je donne des outils très pratiques à mettre en place, comme « l’entretien de départ » pour que ceux qui partent soient apprenants pour le chef d’entreprise, et « l’entretien de coaching saisonnier » pour se réajuster, agir et ne pas ressasser que les jeunes sont instables et ne savent pas ce qu’ils veulent.
Dans le BTP, il y a de surcroît encore un problème d’image… Et même si le patron est bon ou formé, il n’y a toujours personne devant sa porte.
La question est vraiment de savoir comment faire pour recevoir plus de candidatures et trouver ce qui bloque. Les familles et les prescripteurs de la génération Y pour lesquels il fallait faire des études, ont conseillé à leurs enfants de fuir le monde du BTP, réputé pénible, avec un management à la dure. Or entretemps la filière s’est complétement transformée, mais l’image est restée. Je pense qu’il faut insister sur la bonne ambiance sur les chantiers, on n’y est pas seul, il y un esprit de corps, un esprit famille, autant de leviers très importants. A tous les jeunes qui se demandent à quoi sert leur job, le BTP a des réponses avec l’art du geste, on sait faire des choses avec ses mains.
Éric Doublier : « Trouver le bon équilibre entre les attentes des jeunes et le modèle économique »
Éric Doublier est président de la Com’Form (commission Formation) de la fédération BTP Rhône et Métropole
« Avec cette conférence de Julien, nous avons pu constater tout ce que le BTP a déjà accepté de faire, au bon sens du terme. En tant que chef d’entreprise, il est intéressant de trouver le bon équilibre entre les attentes des jeunes et le modèle économique, qui est bien réel, avec ses contraintes, ses codes, etc… Et nous adapter à une nouvelle manière de voir le monde du travail. Alors oui, il faut former les chefs d’entreprise, nous le faisons d’ailleurs au sein de la commission Formation. Nous organisons par exemple des séances de coaching qui rencontrent un gros succès, nous sommes complets à chaque fois. Il y a une vraie appétence des chefs d’entreprise ».
Éric Bouvard : « Nous sommes obligés de nous remettre en cause »
Éric Bouvard est président de la section Equipement technique de BTP Rhône et Métropole. Il a été choisi au hasard parmi les participants pour évoquer la conférence.
Au premier tiers de la conférence, je me suis dit : que vas-tu faire de tes dernières années de carrière sachant que tu es génération X ? Au deuxième tiers, j’ai rédigé l’annonce de vente de ma boîte, et au troisième j’ai cliqué sur « envoi » sur tous les réseaux sociaux bien sûr ! Plus sérieusement, nous sommes obligés de nous remettre en cause sur un certain nombre de choses. Le patron doit se former, être à l’écoute, mais aussi s’assurer que son encadrement l’est aussi. C’est la strate complète de la hiérarchie qui est concernée. J’aurai maintenant je pense un regard et une oreille un peu différents à certains moments. Dans nos métiers, il n’y a pas que le conflit de génération qui pose problème, il y a aussi la disponibilité des profils. Nous ne pouvons pas prendre que des jeunes non qualifiés. Il faut un minimum de fondamentaux. Nous devrons donc faire monter beaucoup plus qu’avant nos salariés en compétence dans l’entreprise, c’est une réalité ».