Des centaines, des milliers de jeunes emmitouflés patientent tranquillement devant les portes d’Eurexpo réservées aux groupes scolaires. Il pleut et il fait froid, mais l’ambiance est bonne, car il n’y a pas cours ce jeudi mais découverte du Mondial des métiers. 30 000 m2 dévolus à 700 métiers, 100 000 visiteurs l’an passé… les chiffres de cet événement dédié à l’orientation et au partage d’une passion par des professionnels aguerris mais aussi par de jeunes apprentis sont une recette qui séduit, fonctionne, et attire donc toujours autant de monde.
A l’intérieur, on reconnait de loin les charpentes en bois sur lesquelles des murs en plusieurs sortes de matériaux commencent à être dressés. Il y a des paveurs, des carreleurs qui font un clin d’œil aux Jeux Olympiques avec la construction des anneaux symboliques, des plaquistes, et puis on retrouve les stands des maçons et des métalliers déjà présents l’an passé.
Le « fier d’être maçon » est toujours inscrit en lettres majeures sur un mur, le simulateur de grue, ses trois écrans géants et son fauteuil de geek affublé de gros joysticks attire toujours autant de volontaires à la conduite virtuelle, et les maçons sont là, déjà cernés par des collégiens.
« Nous rencontrons à la fois des jeunes qui savent très bien où ils vont et d’autres un peu perdus. Certains d’entre eux sont issus de l’immigration, ils passent par des associations et ont envie de travailler. Il nous faut aider ces jeunes-là car nos métiers sont en capacité de les former et de les faire évoluer sur le long terme, ce qui est dans l’ADN du BTP », explique Cécile Mazaud, présidente de la chambre Maçonnerie Béton Armé de la fédération BTP Rhône, qui vient de dialoguer avec deux jeunes déjà sûrs de leur choix pour la maçonnerie.
L’alternance plébiscitée
« C’est chouette ce monde ! » ajoute Cécile Mazaud, « ce jeudi il y a toutes les écoles. Notre message ? Le BTP, tous métiers confondus, a toujours besoin de recruter. Aujourd’hui on parle beaucoup de la crise de l’immobilier et de la construction, mais nous, chefs d’entreprises, ne pouvons pas nous permettre de stopper la formation de nos jeunes. Car Il faut prévoir l’après. La sortie de crise ».
Le gros des troupes fait la queue pour le simulateur de grue, d’autres observent des jeunes tout juste plus âgés monter des moellons ou des briques et bien montrer l’éventail des gestes précis à effectuer. Le niveau ou le fil à plomb sont plus souvent utilisés que sur les vrais chantiers, mais la passion est là, cela se sent dans les regards et l’application.
Parmi les garçons, look doudoune, les jeunes filles approchent aussi, ce n’est plus tabou. Les questions sont parfois précises, formation, espoirs d’embauche… L’alternance est plébiscitée, « j’apprends mieux sur le chantier que dans les cours » marmonne un ado surpris à jouer avec la grue-jouet posée dans un bac à sable.
Juste une allée à traverser – pas si simple « étant donné l’affluence – pour retrouver le stand des métalliers et leur animation phare : le poste de soudure. Deux élèves en CAP Métallerie et un élève en Bac Professionnel Chaudronnerie du Lycée professionnel Fernand Forest de Saint-Priest, initient ceux qui le souhaitent à souder. Là aussi, il faut patienter avant d’enfiler tablier, gants et casque de protection, et brandir sans trop trembler le chalumeau… » « Nous faisons aussi des fleurs, c’est sympa ce que l’on fait, c’est amusant de montrer le métier, tout ce que nous savons faire », commente Abderemane, 17 ans, en 2e année bac pro chaudronnerie. Expérience partagée par Antoni, 15 ans, en CAP : « J’ai choisi la métallerie après avoir fait un stage dans une entreprise. Au départ je voulais faire soudeur, mais ce travail d’assemblage et aller poser sur les chantiers, c’est de la minutie, et surtout ce n’est jamais pareil. C’est ce qui m’a attiré ».
Un vrai retour vers les métiers manuels
Leur professeur en métallerie à Fernand Forest, Julien Rodriguez, évolue avec eux sur le stand, assisté par des retraités du métier. « Nos jeunes sont encore des novices, ils ont commencé en septembre, mais ils ont voulu venir ici, expliquer à ceux qui cherchent leur voie qu’ils ont connu eux aussi des problèmes d’orientation, mais qu’aujourd’hui ils se sentent à l’aise dans leur métier, ils sont contents du chemin choisi. Ils vont bientôt partir en stage, il y a une grosse demande en métallerie, beaucoup sont directement embauchés en entreprise et d’autres s’orientent vers un bac pro en alternance. Nous notons ici aussi qu’il y a un vrai retour vers les métiers manuels ».
Antoni, Abderamane et leur prof resteront deux jours à Eurexpo, des jeunes de la Savoie et l’Ain prendront la suite. « Nous faisons tourner différents lycées ou centres de formation pour que les gens puissent appréhender différentes formations ».
Le Mondial a duré quatre jours, et vu défiler des dizaines de milliers de jeunes, en classe, ou avec leurs parents pendant le week-end. Ils n’ont pas tous posé de questions, ils ne sont pas tous venus visiter les stands du Bâtiment et des Travaux publics. Mais ceux qui sont passés ont laissé un air d’optimisme rafraichissant auprès des formateurs présents sur les deux stands Maçonnerie et Métallerie. La demande d’informations sur les formations, sur les métiers, les discussions avec garçons et filles laissent entrevoir un changement d’image des métiers dits manuels. Des métiers utiles, synonymes de fierté et de sens, des métiers dans lesquels il est possible d’évoluer jusqu’à devenir chef d’entreprise soi-même. Mais cela est une autre histoire.
A lire dans l’édition du Journal du BTP du 21 décembre 2023
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