Ils sont vingt-quatre participants pour dix-sept entreprises du Rhône à s’être lancés dans le parcours Terra BTP Rhône. Terra BTP Rhône ? Un parcours d’éveil et de formation au développement durable, « parcours vers le régénératif » concocté par l’Institut CEC et porté par l’ESJDB, qui a la particularité d’être le premier parcours en France de formation en la matière, spécialement conçu pour les entrepreneurs du BTP.
L’idée de ce parcours Terra BTP Rhône réparti en six sessions sur l’année est bien d’avoir été créé sur mesure pour les artisans et entrepreneurs du BTP, avec toutes leurs spécificités, et leur volonté d’être des acteurs de la transition écologique.
Puisqu’il reste deux sessions, c’est l’occasion d’un bilan à mi-parcours avec deux participants : Jean-François Dubray, président de Rhône Toitures, et Nicolas de Malherbe, chef des entreprises Citeos et Omexom (Vinci Énergies).
Jean-François Dubray : « En 2030-2035, si la chaîne de valeur de l’entreprise n’intègre pas le climat, les ressources et la biodiversité, elle n’existera plus »
Pourquoi avoir décidé de participer à ce Parcours Terra dédié au BTP ?
Je dirige une entreprise de charpente-couverture-zinguerie-ossature bois ; nous travaillons essentiellement pour les clients particuliers sur deux axes : la rénovation thermique et l’agrandissement par le haut en surélévations ou en aménagement de combles. Nous avons une culture environnementale développée, notamment par l’utilisation du bois et de matériaux biosourcés, j’ai donc été séduit par l’objectif du Parcours Terra. J’ai démarré seul les sessions, puis j’ai « embarqué » mon conducteur de travaux et associé pour le début de la 3e session. Car ce parcours est très engageant sur la vision à dix ans et je souhaitais que l’on construise ce schéma ensemble.
Où en êtes-vous aujourd’hui, quel a été le parcours jusqu’à maintenant ?
La première session a été celle de l’électrochoc, sur la nécessité de changer de modèle sur une durée courte, et nous avons travaillé pendant les sessions suivantes sur notre feuille de route, que nous affinons à chaque fois que nous montons en expertise, en ouverture d’esprit et en questionnement. Nous rencontrons des experts de haut niveau, recevons des témoignages très intéressants de personnes déjà engagées ; la façon d’animer les sessions est par ailleurs vraiment innovante ; il s’agit d’un parcours engageant et très bien conçu. Il va crescendo. Nous sommes tous en train d’écrire à la fois ce qui va nous guider sur les dix ans, notre plan d’action et les leviers pour y parvenir.
Avez-vous déjà apporté des modifications à votre gouvernance de l’entreprise ?
Non, en revanche j’ai informé les équipes de notre démarche. Nous sommes une petite vingtaine chez Rhône Toitures. Nous présenterons notre feuille de route à l’issue du parcours et je pense que nous commencerons par une « Fresque du climat » pour sensibiliser et embarquer chacun aux enjeux bioclimatiques. Cela donnera plus de sens à la vision et au plan d’actions présentés.
Vous évoquez vos salariés. Votre engagement pour le « régénératif » ne risque-t-il pas de mettre en question votre modèle économique ?
Il ne faut pas prendre la logique de changement climatique comme une contrainte économique. Il faut se dire qu’à l’orée 2030-2035, si la chaîne de valeur de l’entreprise – ce que l’on produit, ce que l’on fait, ce que l’on vend – n’intègre pas le climat, les ressources et la biodiversité, l’entreprise n’existera plus, parce qu’elle n’aura plus de raison d’être. L’entreprise est là pour être profitable, investir, créer et développer des emplois, c’est fondamental, mais la chaîne de valeur doit aller vers une économie régénérative. Il s’agit d’inverser la courbe, pour faire en sorte que l’on ait un impact positif, c’est-à-dire que l’on régénère le vivant, les ressources disponibles telles que l’eau par exemple, que l’humain soit également au cœur du projet. Nous ne le ferons pas seuls non plus, nous avons également un rôle à jouer pour que notre écosystème s’intègre dans cette démarche régénérative.
Nicolas de Malherbe : « Il faut aller au-delà de la vision, du cap »
Les entreprises que vous dirigez, Citeos, dédiée à la transformation écologique et solidaire des espaces publics (éclairage public, mobilité urbaine, vidéoprotection), et Omexom, dédiée à l’énergie locale partagée (photovoltaïque), sont déjà investies dans la protection de l’environnement. Qu’êtes-vous venu chercher dans ce Parcours Terra ?
J’avais déjà engagé l’entreprise dans un modèle contributif et de performance globale, pour intégrer les enjeux de long terme avec un bon équilibre entre l’économique, le sociétal, le social et l’environnemental. Ce parcours vers le régénératif était pour moi une opportunité de passer de l’étape « atténuation de nos impacts » à la création d’un « impact net positif ». Ou comment je peux faire évoluer nos business model pour favoriser la régénération du vivant et de la biodiversité dans les espaces publics. Dans le groupe Vinci Énergies une dizaine d’entreprises est déjà engagée dans un parcours CEC original donc transectoriel, et je trouvais intéressant de le faire à travers le parcours de la fédération qui lui est sectoriel. J’y voyais l’opportunité d’y trouver des actions plus concrètes, en faisant collaborer l’écosystème du BTP.
Vous avez trouvé des réponses ?
J’ai ressenti une lame de fond, une nécessite d’agir, de faire différemment. Aujourd’hui, il s’agit de mettre des choses en œuvre. Il faut aller au-delà de la vision, du cap avec des actions concrètes. Cela passera aussi par une commande publique qui doit ouvrir la possibilité de faire des propositions et doit accompagner le réemploi, l’assurance, les prix, un vrai sujet. Il faudra industrialiser la filière du réemploi, et créer de nouvelles filières sur de nouveaux matériaux. Et cela ne se pourra que si l’ensemble de l’écosystème travaille ensemble : le donneur d’ordre, la collectivité, l’entreprise, les structures de formation et d’insertion, les bureaux d’études, les maîtres d’œuvre, les fournisseurs…
Avez-vous déjà impliqué vos collaborateurs ?
Les cinquante salariés de nos deux entités sont déjà impliqués pour atteindre nos objectifs de performance globale. Avec les apports des premières sessions, je poursuis l’acculturation pour embarquer l’ensemble des compagnons au prochain changement de cap. Au-delà du sursaut, de la compréhension des enjeux, les sessions m’ont donné de la méthode pour guider ce mouvement. En ce sens, il me semble important de travailler à un livrable individuel et collectif qui permettra d’engager concrètement nos entreprises
Frédéric Wolf : « Nous sentons un vrai basculement, une vraie énergie positive ! »
Frédéric Wolf est directeur Métiers et responsable du service Environnement à la fédération BTP Rhône.
« Nous sommes en ce moment dans la construction de la feuille de route de chaque entreprise pour 2035, et plus précisément dans l’identification des leviers de redirection, en fonction des différentes lunettes que l’on nous a données pour nous inciter à ouvrir notre regard. Nous ne sommes pas encore dans le détail. Le cheminement se doit de prendre du temps. Il y a beaucoup de rencontres, de témoignages de ceux qui ont fait la CEC, des experts. Nous sentons un vrai basculement, une vraie énergie positive dans le groupe. Les participants savent qu’il faut y aller. Bien sûr, l’entreprise a sa marge de manœuvre mais ne peut pas, tout, toute seule. Il faut à présent que le reste de la chaîne s’embarque, que l’ensemble de l’écosystème du BTP participe à ce basculement ».
Co-construit par la Fédération BTP Rhône et l’institut CEC, Terra BTP Rhône est soutenue d’une part par l’État et la Région dans le cadre de l’Action IFPAI volet régional du Programme d’investissements d’avenir, opéré par la Caisse des Dépôts (Banque des Territoires) et, d’autre part, par la Métropole de Lyon.
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