Sagas familiales : 11 – Les Revert à Saint-Fons, la menuiserie dans tous ses états

Sagas familiales : 11 – Les Revert à Saint-Fons, la menuiserie dans tous ses états

Paul Revert : « Nous recherchons des compagnons passionnés »

Deux, trois, quatre générations et parfois plus encore. Le monde du BTP regorge d’histoires familiales où le mot transmission est écrit en lettres capitales. Transmission de valeurs, de savoir-faire, de l’art de construire tout simplement, synonyme de don de soi, de sens, et de fierté. A la fédération BTP Rhône et Métropole, les sagas familiales de certains adhérents sont connues, d’autre moins. Nous avons donc décidé de vous présenter sous forme de série quelques-unes d’entre elles.

A peine le portail franchi, toute l’histoire et la pérennité de l’entreprise Revert saute aux yeux. Une vieille façade et une porte d’entrée vitrée en bois massif, surmontée d’une poutre noircie par les années, jouxtent en perpendiculaire un étage ultra moderne aux vitres larges et toit plat. Juste en-dessous de cet agrandissement, deux places pour véhicules électriques ou électrifiés…

1920-2024, en un regard l’entreprise Revert Menuiserie affiche donc son incroyable parcours. Celui d’une saga familiale qui a toujours su s’adapter à son temps, aux tendances des époques, avec ce sens de l’anticipation qui fait qu’elle a été, est, et restera incontournable dans le paysage lyonnais au sens large du terme. Et même si en 1920 le siège des Revert se situait à quelques centaines de mètres de l’adresse actuelle, la métaphore demeure une évidence.

« Mon arrière-arrière-grand-père Auguste a créé l’entreprise juste derrière nos locaux actuels » confirme Paul Revert, actuel dirigeant de l’entreprise et cinquième génération aux manettes. « Il avait au début un associé, avec lequel ils se sont faits rapidement connaître sur Lyon en se spécialisant dans la menuiserie mécanique et la carrosserie bois, et notamment les escaliers ».

Les années de guerre ne sont pas simples, « il y avait zéro activité, nous avons retrouvé les comptes il n’y a pas longtemps », Auguste se sépare de son associé et se prépare à passer la main à Jules en 1948. Avec sept-huit compagnons, la société se spécialise alors dans la menuiserie traditionnelle et générale : travaux de fenêtres, parquets et toujours les escaliers.

A la fin de l’année 1985, aidé par ses deux fils François et Éric, Guy Revert prend la succession de son père et décide de donner un nouvel élan à l’entreprise en s’installant un peu plus loin, là où nous avons franchi le portail. Guy passe la main en 1998, les deux frères « apportent à l’entreprise modernité et dynamisme en conservant la tradition du savoir-faire acquis depuis près d’un siècle ». Empêché par la maladie, Éric se retire et François – le père de Paul – conduit seul le navire.

« J’ai commencé sur le terrain »

« Mon grand-père Guy était mon mentor, mon père l’est devenu : il m’a tout apporté et nous aimons les mêmes choses, notre travail bien sûr, mais aussi le sport ou la BD » raconte simplement Paul qui traîne ses guêtres depuis l’âge de deux ans dans les locaux de la menuiserie. « Il ne m’a jamais rien imposé ; tout s’est fait naturellement sans que personne ne me dicte quoi que ce soit ».

32 ans aujourd’hui, un bac général en poche, quelques études en « gestion d’entreprise », des stages dans d’autres sociétés… A 23 ans, Paul rejoint les rangs de la saga. « Je n’ai donc pas de formation spécifique en menuiserie, mais j’ai commencé sur le terrain, avec des compagnons qui sont toujours ici, j’ai eu dix ans de formation, les choses se sont faites petit à petit ».

François est toujours actif, avec un poste de DG jusqu’en mars prochain, date de son départ à la retraite. « C’est bien qu’il soit là, il nous aide, il a un rôle de conseil, il a une expérience essentielle avec les salariés, et suit encore ses clients même si le flambeau a bien été transmis. »

Une organisation fils-père ou père-fils efficace depuis une dizaine d’années, transmission douce qui a permis à l’entreprise de grandir dans la sérénité, avec un chiffre d’affaires qui est tranquillement passé du million à trois fois plus aujourd’hui.

« Nous avons une activité de menuiserie générale en rénovation, avec de la pose de fenêtres bois, que nous ne fabriquons pas. Nous avons des partenaires en circuit court, deux fournisseurs à Feyzin et Biol (38). En menuiserie intérieure, nous travaillons encore le massif, plinthes, parquet, stylobates, verrières en chêne massif, cintres. Nous avons gardé les anciennes machines des grands-parents, la ruban, la dégauchisseuse, la toupie pour pouvoir travailler le massif, et nous avons investi dans de nouvelles machines ces dix dernières années ».

Car pour s’adapter à la demande des architectes et maîtres d’œuvre, Revert Menuiserie s’est spécialisée dans l’agencement… Et c’est un carton. « C’est devenu un job à part entière. Nous surfons sur la vague de la décoration intérieure ». Commerces, particuliers, régies aussi, rien que du sur-mesure et du haut de gamme. « Nous travaillons beaucoup le chêne massif et le plaquage chêne, le stratifié et le mélaminé qui en découle, et des matériaux un peu nouveaux, comme la céramique… Le plus difficile dans notre métier, est que ce que nous allons faire nous ne l’avons pratiquement jamais fait. En revanche, on ne s’ennuie pas du tout ».

Il y a deux ans, il a fallu pousser les murs de l’atelier, qui est passé à 500m2. Au passage, un système intelligent d’aspiration amène la sciure et les copeaux à une sorte de presse qui compacte les déchets en briquettes, briquettes qui alimentent un poêle bien utile l’hiver.

Ambiance familiale

Et l’entreprise est passée à seize salariés. Dont cinq en pose, sept à l’atelier, et un au bureau d’études. Non sans mal.
Car le recrutement est un défi quotidien. « C’est notre plus grande problématique, insoluble. Je passe des heures chaque semaine à essayer de trouver des compagnons. Nous travaillons avec les compagnons du Tour, nous avons toujours des itinérants avec nous. Nous avons d’ailleurs beaucoup de compagnons chez nous, qui n’ont pas forcément fait leur tour ici. Mais nous manquons de personnel et cela bride notre développement. Il est vrai qu’au vu de nos réalisations, nous cherchons des gens passionnés, avec « la fibre », et qui puissent s’insérer dans l’équipe, vraiment familiale ».

Montrées du doigt, les sociétés d’intérim qui phagocytent les jeunes à la sortie des écoles, et créent des distorsions de situations avec les CDI de l’entreprise. Mais ceux qui ont signé chez Revert restent pour la plupart.
Pourquoi ? « Il y a chez nous une ambiance ultra familiale, un management « cool mais maîtrisé », avec une liberté et une confiance totale quand elle a été gagnée ».

Comme les Lapierre, Roche, Vassivière, chacun avec sa taille et dans sa spécialité, le nom de Revert résonne depuis si longtemps dans le landerneau du « grand Lyon » qu’il est presque devenu synonyme de menuiserie. Ce qui amène une clientèle de professionnels et de particuliers qui connaissent le nom ou l’ont appris par le bouche à oreille. Un nom synonyme de sérieux, de rigueur et de savoir-faire. Pour Paul Revert, il s’agit évidemment d’une force, d’une grande source de motivation, mais aussi comme de nombreux « fils de », troisième, quatrième ou cinquième du nom, c’est aussi source de pression. « Forcément », reconnait-il sobrement.

Mais la maison Revert est assise sur de bonnes fondations. Et Paul sait reproduire ce qui a fait le succès de ses prédécesseurs. S’adapter aux époques. C’est simple comme une règle d’or.

Auguste REVERT : rangée du haut, au centre

Jule REVERT : 2ème en partant de la gauche (années 1950)