Sagas familiales : 12 – Les Faty à Vaulx-en-Velin, de la peinture à la façade avec la SLPIB

Deux, trois, quatre générations et parfois plus encore. Le monde du BTP regorge d’histoires familiales où le mot transmission est écrit en lettres capitales. Transmission de valeurs, de savoir-faire, de l’art de construire tout simplement, synonyme de don de soi, de sens, et de fierté. L’exemple, l’exemplarité des parents artisans ou patrons de TPE, PME voire ETI, est le levier d’engagements qui méritent que l’on s’y attarde. Car si les enfants suivent la voie de leurs parents, ce n’est pas par devoir ou facilité, ou pas seulement, c’est parce que le métier les a séduits. A la fédération BTP Rhône, les sagas familiales de certains adhérents sont connues, d’autre moins. Nous avons donc décidé de vous présenter sous forme de série quelques-unes d’entre elles.

Luc Faty : « Sans Jean-Marc, je ne suis pas sûr que j’aurais rejoint l’entreprise »

Luc et son petit frère Jean-Marc – la deuxième génération – Gregory et sa sœur Morgane – la troisième – tous les Faty ont tenu à être présents autour de la table de réunion de leur tout nouveau siège de Vaulx-en-Velin pour évoquer leur saga familiale.
Manque juste la première génération de la saga des Faty, Marcel – père de Luc et Jean-Marc – et son frère Maurice, cofondateurs de la SLPIB, pour Société Lyonnaise de Peinture pour l’Industrie et le Bâtiment, avec trois autres peintres.

C’était en 1968. Après les événements, l’activité peinture de la miroiterie qui les employait est abandonnée ; les cinq associés décident de la reprendre et de se lancer à leur compte.

SLPIB, un sigle imprononçable mais omniprésent aujourd’hui sur les échafaudages de travaux de façades et de rénovation énergétique de la métropole lyonnaise.

Cinq associés, c’est beaucoup. L’entente ne dure que deux ans, deux d’entre eux partent créer leur propre univers.
« Mon père Marcel s’était rapidement imposé comme gestionnaire de l’entreprise » raconte Luc. « Il avait été chef d’équipe à 22 ans chez Rolando et Poisson, il avait la technique et le savoir-faire ». Comme son nom l’indique, SLPIB est à l’époque une entreprise de peinture. Il n’est pas encore question de façades ou de rénovation énergétique. Les chantiers sont avant tout des travaux d’intérieur, neuf ou ancien, pour une grosse dizaine de clients. Mais cela viendra vite.
Une obsession déjà pour Marcel, Maurice et leur acolyte : rendre un travail de qualité, l’un des secrets des maisons qui perdurent avec la bonne tenue de la trésorerie.

Une nouvelle fratrie en place
Jean-Marc, le frère cadet de Luc, est le premier de la deuxième génération à intégrer l’entreprise. Il n’est pas peintre de formation comme son père, son grand-père ou encore son arrière-grand-père, il a choisi des études de commerce. Son arrivée à la SLPIB coïncide avec le décès du troisième associé, un moment difficile pour la société.

Luc, suit de son côté des études de photographe, et part travailler en Afrique Noire dans l’édition et puis le commerce. Il revient en France en 1994.

« Sans Jean-Marc, je ne suis pas sûr que j’aurais rejoint l’entreprise » avoue Luc, qui fait ses armes sur le terrain, mais en accéléré puisque leur papa Marcel, affaibli par une opération du cœur, souhaite vite transmettre l’entreprise. Les deux frères qui ont déjà racheté les parts de leur oncle Maurice deviennent les deux seuls associés.
Leur arrivée sonne l’heure du renouveau.
« Nous avons déménagé en 1995 à Vaulx-en-Velin, l’adresse du troisième arrondissement était trop exiguë. Et nous avons changé de typologie de chantiers – notre père avait commencé – en nous dirigeant vers la réfection de façades. Et comme en façades il faut des équipes de deux-trois voire quatre compagnons, le développement a été rapide. Nous sommes passés d’une quinzaine de salariés à vingt-cinq, et avons doublé le chiffre d’affaires en vingt ans en travaillant essentiellement pour des syndics de copropriété. Pour plus de 90% du CA. Nous faisons aussi de la rénovation énergétique, l’activité a explosé, et encore un peu d’intérieur. Nous avons des équipes polyvalentes ; c’est notre force et cela facilite la gestion des plannings ».

Et puis la deuxième génération de Faty revoit l’ensemble de l’action commerciale. « Notre père avait une dizaine de clients et ça marchait bien, mais l’ouverture des marchés a changé, des concurrents se sont installés, le récurrent est moins la règle même si notre notoriété nous aide. Il nous a fallu démarcher une nouvelle clientèle ». 

RH et Entreprise générale
Une stratégie qui a payé en termes de développement et que saluent aujourd’hui Morgane et Gregory, la génération III, enfants de Luc. La sœur et le frère arrivent presque en même temps dans l’entreprise.

Morgane pose son sac en 2017, elle vient des ressources humaines, suit une formation à l’ESJBD et s’installe dans les bureaux où sa maman a un temps officié à mi-temps.

Gregory, lui, travaille chez Léon Grosse, entreprise générale, où il se sent très bien. « Il y a eu le décès de notre grand-père, mon père et mon oncle commençaient à prendre de l’âge, alors les questions se posent, évidemment… J’ai pensé qu’il serait dommage que le nom de Faty s’éteigne au sein de la SLPIB, et décidé de rejoindre ma sœur dans sa démarche ».

Pour l’une comme pour l’autre, jamais de pression, de demandes des parents, de sous-entendus, promis-juré. Jean-Marc a une fille qui se consacre à d’autres projets. Ainsi va…

Luc : « Quand on a décidé tous ensemble que les enfants allaient reprendre, il était essentiel pour moi de bâtir un projet. Nous avons pu fixer des échéances, dont mon départ, et s’y tenir. Aujourd’hui la satisfaction est énorme, nous avons qu’un regret : que mon père ne puisse pas voir cela, une entreprise qui garde malgré son développement son essence familiale ».

Comme convenu dans le projet de la famille, la date de départ de Luc a été respectée. Il n’est venu que trois jours par semaine pendant un temps, puis plus du tout depuis septembre dernier. Pas si simple au quotidien, mais il faut se tenir à ce qui a été dit. Question de principe.

C’était en 2024 donc, la même année que le troisième déménagement du siège et des dépôts, toujours à Vaulx-en-Velin, juste 500 mètres plus loin… Ainsi, chaque génération aura eu sa propre adresse.

« Bible du BTP »
Aujourd’hui Morgane est directrice générale, elle tient l’administratif et les RH ; Gregory le commercial et la technique, avec le titre de président. Jean-Marc a été bombardé « bible du BTP » avec ses quarante ans de métier, il s’occupe du chiffrage.

L’activité principale demeure la façade, une évidence.
Gregory a amené son expérience des gros chantiers, ce qui a permis de se positionner sur des projets plus importants, parfois en cotraitance, et il a ouvert les portes des entreprises générales. Morgane, elle, a structuré la partie « bureaux », gestion des hommes, des marchés et de l’administratif.

Leur but ? Ne pas se développer à tout prix, même si le chiffre d’affaires a encore doublé depuis qu’ils ont intégré la SLPIB, mais consolider l’existant, recruter des têtes « bien faites », des compagnons motivés qu’ils souhaitent et doivent former, tant le métier devient technique et affaire de spécialistes…
« Nous souhaitons juste pérenniser l’entreprise et conserver sa bonne image, pour que la SLPIB aille aussi bien qu’aujourd’hui lorsque nous aurons leur âge ».

« Le ravalement sera toujours nécessaire entre les injonctions de la ville et la nécessité des rénovations énergétiques », tempère Luc, qui mesure la pression inhérente à la reprise d’une affaire familiale.   

Mais la maison SLPIB tient bon. Un signe ? Parmi les 35 salariés, il y a un père et son fils, deux fois deux frères, des beaux-frères et des cousins…
Pas besoin de longs discours.

Un article à retrouver dans le Journal du BTP du 11 juillet p34 et35