Bruno Medori : « La prise de conscience des entreprises sur le réemploi a été exemplaire »

Double actualité pour Bruno Medori, l’ex-président de la chambre de Déconstruction de la fédération BTP Rhône :  il a quitté en fin d’année la direction Auvergne-Rhône-Alpes de Razel-Bec pour créer BME Conseil, et vient de passer la main après sept années à la tête de la chambre. L’occasion de dresser un bilan sur toutes ces années d’engagement, dans un contexte où les incroyables avancées en matière de recyclage et de réemploi se sont heurtées à une baisse inédite du nombre de créations de logements.

Bruno Medori : « La prise de conscience des entreprises sur le réemploi a été exemplaire »

Quelles évolutions notables retenez-vous sur le secteur de la déconstruction en sept années de mandat ?
D’abord, il faut noter que nous parlions avant de démolition, et aujourd’hui de déconstruction sélective. Déconstruire un bâtiment c’est le curer, le désamianter et enfin le démolir. Le démolir avec un tri sélectif des déchets pour leur réemploi, devenu un acte majeur. Nous avons évolué vers un cercle vertueux, avec des obligations législatives de valorisation des déchets de 70% dès 2020, dans le cadre de l’élargissement de la REP (Responsabilité élargie des producteurs). Cela a bouleversé le marché, très clairement, et a généré une apparition de nouveaux acteurs.

C’est donc la loi de 2020 qui a engendré une révolution de votre activité ?
La problématique du réemploi remonte à une quinzaine d’années. Mais il s’agissait de réemploi initié pour des raisons économiques. Le recyclage du béton, par exemple, du verre, sont des sujets qui remontent à loin et fonctionnent parfaitement. La nouveauté de ces dernières années, accélérée et poussée par le politique, est la question du tri, en particulier sur les matériaux de second œuvre.

Le tri vous savez faire ?
Effectivement, aujourd’hui nous trions tous les matériaux. Certains se réemploient de façon directe, et d’autres dans des circuits de recyclage. Tout ce qui touche à l’enveloppe du bâtiment – béton, bois, acier, verre – est à peu près maîtrisé en matière de recyclage et de réemploi. C’est plus compliqué pour les matériaux de second œuvre, planchers, portes et fenêtres, sanitaires, câbles électriques etc… Pour des problèmes de normes, d’assurance, et d’acceptabilité. Le réemploi de matériel électrique par exemple se heurte à des obstacles majeurs comme la certification de matériaux et la frilosité des assureurs. Il n’est pas assurable. Et globalement, utiliser du réemploi de second œuvre coûte plus cher à l’artisan qui le pose…

Bref, le réemploi des « matériels » à la différence des « matériaux » est bloqué aujourd’hui ?
Pas bloqué. Je dirais que nous sommes arrivés à un stade médian où, oui, on sait déconstruire de façon pertinente mais manquons de débouchés. L’ensemble des acteurs de l’acte de construire, entreprises, promoteurs, architectes et maîtres d’ouvrage, sont prêts. L’acceptabilité, les assurances et les normes ne dépendent pas de nous.

Que faudrait-il faire selon vous ?
Il faudrait sans doute une politique du logement plus affirmée. Parce que l’une des raisons pour lesquelles le réemploi du second œuvre n’est pas encore mature, est que la construction de logements en France se trouve à un taux abominablement bas. A partir du moment où il y aura de la demande, les choses peuvent bouger rapidement. Il y a des démarches affichées de certaines communes, pas exclusivement « vertes », mais elles se heurtent à la problématique financière. Certains gestionnaires de biens sociaux sont prêts aussi à se lancer, dans le cadre de réhabilitations, mais ils se retrouvent face au même mur financier. Le réemploi est plus cher. J’ajoute que les marchés publics ne peuvent imposer une ressource, sauf si elle est mise à disposition à titre gracieux.

Quelle a été votre action comme président de la chambre ?
D’abord nous avons recruté, nous sommes aujourd’hui 22 adhérents vraiment représentatifs de la profession. L’évolution des entreprises, leur prise de conscience sur le recyclage et le réemploi a été exemplaire ces dernières années, malgré les contraintes.

 

À lire dans l’édition du 16 janvier du Journal du BTP