Sagas familiales : 16 – La famille Lenoir

Deux, trois, quatre générations et parfois plus encore. Le monde du BTP regorge d’histoires familiales où le mot transmission est écrit en lettres capitales. Transmission de valeurs, de savoir-faire, de l’art de construire tout simplement, synonyme de don de soi, de sens, et de fierté.
A la fédération BTP Rhône, les sagas familiales de certains adhérents sont connues, d’autre moins. Nous avons donc décidé de vous présenter sous forme de série quelques-unes d’entre elles.

Didier Lenoir : « En métallerie nous avons un champ d’ouvrage juste dingue » 

11 000m2 de façades vitrées pour le Groupama Stadium, 250 ensembles de portes vitrées, 4 km de garde-corps, 5km de main-courante ; vêture extérieure en tôle perforée pour la LDLC Arena, murs rideaux aluminium, entrées ; le magnifique escalier au 42e étage de la To Lyon ; et puis L’EM dans le 7eme arrondissement, la gare de la Part-Dieu…

Lenoir Métallerie est – presque – de tous les chantiers emblématiques de Lyon. Une signature. Une technicité, un savoir-faire, une grande rigueur aussi, qui a depuis longtemps rassuré et convaincu les principaux maîtres d’ouvrage de la ville qui se sont passé le nom, dans un bouche à oreille vertueux et bénéfique pour tous.

Incroyable, ce chemin parcouru depuis l’échoppe de serrurerie-métallerie créée rue de Sèze par Marius Lenoir, un ancien postier de Saône-et-Loire, c’était en 1894 ! Une échoppe qui faisait travailler cinq ou six compagnons, alors qu’ils sont aujourd’hui 125 salariés chez Lenoir Métallerie. Quelle route !

« Nous avons franchi les marches petit à petit », note Didier Lenoir, président et quatrième génération à la tête de l’entreprise. « Nous n’avons jamais abandonné notre fonds de clientèle, il a juste évolué. Nous avons d’ailleurs toujours une forge, pour notre service de petits travaux-dépannages. C’est notre héritage. Lenoir Métallerie réalise toujours des petits travaux comme au temps de la rue de Sèze, du SAV sur le vaste parc d’ouvrages que nous avons installé depuis le temps, et en parallèle des chantiers d’une dizaine de millions d’euros. Nous intervenons un peu sur toutes les granulométries d’affaires ».

1894-2025. Lenoir Métallerie possède des ateliers de métallerie-acier, de tôlerie, de menuiserie-aluminium, de façade et un atelier de traitement de surface. Le tout à Villeurbanne.

Mais n’allons pas trop vite. Une saga s’écrit sur la durée, avec des hommes et des femmes qui ont marqué leur génération et transmis plus qu’un savoir-faire, plus qu’une entreprise : un état d’esprit.

À la fin de la Première Guerre, le seul fils de Marius, Georges André, intègre la société. Pour Michel, père de Didier, ce sera en 1955, après avoir fait « le tour des confrères » en apprentissage et comme salarié. « A l’époque, ils travaillaient dans un atelier en sous-sol, au niveau d’une cave », explique Didier. « Ils ont déménagé en 1965 rue Boileau, dans des locaux beaucoup plus importants, sur trois étages de mezzanines. Les ouvrages descendaient avec des palans d’une mezzanine à une autre… Impressionnant ! »

C’est Michel Lenoir qui fait évoluer l’entreprise, de l’agencement au sens large vers le résidentiel collectif neuf. Après des décorateurs, la société travaille en serrurerie-métallerie pour des architectes et des promoteurs. C’est lui aussi qui a intégré la menuiserie aluminium dans les années 70.

« Ce double diplôme est devenu notre marque de fabrique, le métier de l’acier et le métier de l’aluminium. L’acier est fin, il est structurant. L’aluminium se décline d’une manière très large, en isolation et en finition. Savoir travailler les deux nous permet d’apporter des réponses circonstanciées en fonction des projets ».

Michel encore, avec Georges-André en fin de carrière, décide en 1973 de s’installer à Villeurbanne, rue du Marais. « Mon grand-père était président de la section football du Rhône Sportif, qui était juste à côté. Il a trouvé un terrain ».
Ici, rue du Marais, Lenoir Métallerie est aujourd’hui installée des deux côtés de la rue. L’un des côtés est en grands travaux, sept millions d’euros d’investissement, dont deux pour de nouvelles machines outils « connectées » au bureau d’études. « L’entreprise va ainsi être armée pour gérer les futurs enjeux de la profession et du métier. Ce sont des locaux vertueux, avec des process eux aussi très vertueux. Nous allons par exemple disposer de fours hybrides, pour avoir moins recours au gaz qui montera juste le four en température. Et l’électricité prendra le relais. Nous avons installé 2 000 m² de panneaux photovoltaïques sur les toits en autoconsommation collective… »

Il faut dire ici que dans l’évolution de l’entreprise Didier Lenoir a bien pris sa part, même s’il n’est pas homme à se mettre en avant.
Diplômé de l’EM Lyon, préféré à l’INSA où il avait été accepté, il s’envole pour Hong-Kong – et non Villeurbanne, où il va ouvrir et tenir le bureau de la société Clasquin spécialisée dans le transport aérien et maritime. Il y restera quatre ans, rencontre celle qui deviendra son épouse, et rentre dans le berceau familial. « J’étais tenté de travailler aux côtés de mon père, et j’avais la fibre PME », explique-t-il seulement.

Michel avait dirigé Lenoir Métallerie sur le résidentiel collectif, Didier ajoute l’activité « immeubles tertiaires » qui se développe à la fin des années 90 avec des façades en acier et menuiseries aluminium. « On a connu les années béton aux lendemains de la seconde guerre. Et puis, petit à petit, la menuiserie aluminium et l’acier sont devenus tendance et incontournables. En grande partie parce les techniques nous ont permis d’améliorer le traitement de surface sur l’acier. On a ainsi pu en poser à l’extérieur. J’en profite pour souligner que nous sommes un des seuls métalliers à avoir intégré le traitement de surface chez nous, en atelier ».

Deux marques se répartissent l’ensemble de l’activité : Schont, entreprise rachetée et intégrée aujourd’hui est spécialisée dans le résidentiel collectif. Lenoir Métallerie s’occupe du registre tertiaire – immeubles ou grands équipements – avec des ouvrages à plus forte valeur ajoutée. Et dans Lenoir Métallerie ne pas oublier le département Petits Travaux et Services, dont la maintenance qui prend de plus en plus de place au fur et à mesure que l’entreprise réalise des ouvrages.

Faute de place, il faut ici évoquer à grande vitesse la forte implication de Didier Lenoir dans la formation, la transmission du geste, et puis dans la défense du métier et de ses pairs. Pour lui, la formation est au centre de l’entreprise. Par éthique personnelle, par humanisme, mais aussi par intérêt : « notre manière de recruter a été de former », se justifie-t-il. A l’extérieur, Didier Lenoir est président de Construire Pro, de la commission Formation à l’Union des Métalliers, il a été président de l’AREF Rhône-Alpes qui gère la formation dans le BTP, et enfin président de chambre pendant une grosse dizaine d’années. Fermez le ban.

Un mot sur la création de sa success story Lenoir Services, entreprise d’enseigne et de signalétique, créée en 1990 et revendue en 2018 à Visotec. « Cette société n’est pas anodine, elle est encore le fournisseur exclusif mondial d’Hermès. Et c’est elle qui a réalisé les anneaux olympiques sur la Tour Eiffel », raconte avec fierté Didier Lenoir.

C’est avec une certaine fierté également que Didier annonce que la transmission est en marche dans l’entreprise familiale. Une de ses filles, Jordan, est directrice RH et RSE ; un de ses gendres, François Bernard, responsable du département Petits Travaux et Services. Et Antoine Noyel, un jeune DG recruté parmi le personnel, est déjà en place depuis un an.

Le boss va pouvoir accompagner cette jeune génération à travers une présidence non exécutive, et relever les futurs challenges d’une profession qui n’en finit pas d’évoluer. Avec sérénité. Car « en métallerie nous avons un champ d’ouvrage qui est juste dingue », sourit-il.

À lire dans l’édition du 13 février du Journal du BTP