Samuel Kohen : « il ne faut pas être fatalistes sur les questions de recrutement »

Créateurs ou repreneurs d’entreprises, de nombreux « nouveaux » – tous secteurs d’activité confondus, ont adhéré ces derniers mois à la fédération BTP Rhône et Métropole. L’occasion pour nous de vous les présenter au fil des semaines à venir, avant de pouvoir les croiser au cours d’un événement ou autre réunion.

Samuel Kohen a créé il y a neuf ans SABEKO avec son frère Benjamin, une entreprise de plomberie-chauffage-climatisation basée à Décines. Les deux frères dirigent également SABEKO Savoie, SABEKO Haute-Savoie, et SABEXTRA, une structure de formation.

En moins de dix ans vous avez créé une entreprise d’une centaine de salariés. Comment avez-vous pu grandir si vite ?

Mon frère est plombier de métier, pour moi c’est une reconversion. J’ai fait un CAP il y a dix ans pour me lancer dans le métier. La première réponse, je pense, est que nous sommes organisés, nous avons développé notre propre logiciel, et nous avons des process assez structurés. La seconde est que nous nous sommes adaptés à un marché du travail sous forte tension en misant sur la formation et l’apprentissage.

Le recrutement est vraiment un problème récurrent de vos métiers, qu’avez-vous fait de plus que les autres ou de différent ?

Nous avons toujours mis en place des équipes de deux personnes, un compagnon et un apprenti, et nous nous sommes vite retrouvés avec une grande quantité de jeunes de CFA en apprentissage. Nous avons de surcroit créé notre propre centre de formation agréé. Plus de la moitié de nos apprentis sont formés chez nous avec des professeurs de matières générales et techniques. Cela permet de fidéliser, d’avoir des jeunes que l’on connaît très bien, qui sont formés à l’image de l’entreprise, que l’on peut orienter au mieux, chez nous ou ailleurs.

Vous avez combien d’apprentis cette année en formation ?

Une cinquantaine. On ne peut donc pas tous les recruter chez SABEKO. Notre but est de les amener vers l’employabilité. Nous avons donc des partenariats avec des confrères plombiers pour lesquels nous trouvons des apprentis qui sont en alternance dans notre centre et avec eux sur le terrain. Nous sommes à la disposition d’autres entreprises qui ont envie de s’impliquer dans cette logique d’apprentissage et qui ont compris que c’est la seule solution aux problèmes de recrutement. Si nous arrêtons tous de former les jeunes, il n’y aura plus personne à recruter, et nous passerons notre temps à débaucher les techniciens du voisin, bref, nous serons tous perdants.

L’apprentissage est pourtant déjà dans l’ADN des entrepreneurs du BTP ?

Historiquement oui, nous n’avons pas inventé le compagnonnage. Mais dans les faits nombreux sont ceux à avoir baissé les bras, souvent par manque de méthode. La manière dont on recrutait les jeunes il y a vingt ou trente ans ne fonctionne plus aujourd’hui. Il faut être sélectif, et ne pas former sur le seul savoir-faire technique. Il faut inculquer le savoir être, la communication, l’organisation personnelle, ce qui est trop souvent considéré comme acquis. Or les populations de jeunes qui arrivent aujourd’hui dans le Bâtiment sont par exemple des mineurs non accompagnés (MNA) en provenance d’Afrique subsaharienne, des forces vives avec une vraie motivation, de la ressource, mais de gros besoins en formation générale. Nous en avons beaucoup dans nos effectifs. Ce sont des personnels qui ont envie de travailler et de s’intégrer. J’en profite pour souligner l’aide véritable que nous amènent les services de la préfecture pour ces jeunes.

Vous avez donc été novateurs en trouvant un système de formation qui s’adapte aux nouveaux profils de candidats aux métiers du Bâtiment ?

En quelque sorte. Outre les MNA, nous avons aussi des jeunes des quartiers dit difficiles, des personnes en reconversion professionnelle, et puis nous notons l’arrivée de jeunes femmes qui ont toute leur place dans notre profession. Il est nécessaire d’avoir une approche spécifique de formation pour chaque profil et pour chaque entreprise qui doit avoir, selon moi, une vraie politique de formation et d’intégration interne. Politique réfléchie, travaillée, en adéquation avec les valeurs de l’entreprise.

Un artisan avec trois ou quatre compagnons a rarement le loisir d’appliquer ce que vous conseillez…

C’est vrai. Mais s’il ne fait pas ce travail, il ne sera pas attractif sur le marché de l’emploi et ne pourra pas recruter. Il se trouve que pour les entreprises qui souhaitent se développer, répondre à des appels d’offre, la problématique RH devient centrale. Il n’y a pas le choix, toute une génération part à la retraite, il faut la remplacer. Nous montrons que c’est possible.

Pourquoi avoir adhéré à la fédération ?

Justement pour avoir un impact au niveau de la filière. Nous voyons que la fédération fait beaucoup de choses sur de nombreux sujets dont ceux liés au recrutement, et nous pensons avoir une partie de la solution. Nous avons en tout cas beaucoup expérimenté, et nous souhaitons partager ces expériences avec les autres membres. Il ne faut pas être fatalistes sur les questions de recrutement, c’est en travaillant ensemble que nous pourrons améliorer l’état du marché de l’emploi dans notre secteur d’activité.