Joffrey Delescluse : « L’inflation génère des désordres sur le marché »

Joffrey Delescluse vient de racheter avec ses associés l’entreprise E. Mosnier, une entreprise de maçonnerie – rénovation – entretien d’une trentaine de salariés répartis sur deux sites, le siège de Villeurbanne et une petite entité à Dagneux. Joffrey en est le directeur associé assurant la partie commerciale et succède à son père Pierre qui avait repris l’activité en 2002. L’entreprise E. Mosnier fête cette année ses 141 ans.

Quelle a été votre formation ?

J’ai une licence technico-commercial et un master en management commercial. J’ai longtemps travaillé dans un négoce en matériaux de construction avant de rejoindre l’entreprise E.Mosnier il y a six ans.

Au moins vous savez négocier les prix de vos fournisseurs !

Exactement ! Je connais leurs points forts et leurs points faibles.

Quels sont les principaux donneurs d’ordre de l’entreprise ?

Essentiellement des syndics de copropriété. Et puis des maitres d’œuvre et des architectes, avec une répartition de 70% de notre activité pour les régies, 30% pour les particuliers et entreprises.

Quel genre de travaux vous demandent les régies ?

Cela va de la « bricole » au gros chantier. D’un trou dans le sol d’une cave en passant par les travaux d’entretien courants à la réfection complète d’une colonne de chute. Cela dit, une grande partie de notre activité est consacrée aux renforcements de structures (affaissement, effondrement de plancher), notamment sur plancher bois anciens.

Vous avez un service de dépannage 7jours/7 ?

Non, mais nous répondons aux urgences qui interviennent dans les horaires d’ouverture de l’entreprise.

Comment se porte l’activité dans votre secteur ?

Nous avons senti un ralentissement depuis la fin du premier trimestre par rapport aux 2/3 dernières années qui avaient été très bonnes. L’ambiance générale est à l‘économie plutôt qu’à la dépense, les gens font un peu plus attention à leur portemonnaie. De nombreux projets de réhabilitation de maisons restent dans les cartons parce que les ventes ne se font finalement pas, ou alors les ventes se font mais le budget prévu pour les travaux s’est envolé avec les taux pratiqués dans l’acte d’achat. Avec moins de projets qui sortent, et d’autres qui mettent plus de temps à aboutir, les plannings deviennent compliqués à établir.

Vous recrutez malgré le ralentissement de l’activité ?

Nous avons toujours établi des partenariats avec l’intérim pour le recrutement sur nos postes productifs. L’an dernier nous en avons embauché deux, essentiellement pour ne pas les perdre, mais en ce moment nous n’embauchons pas.

Comment avez-vous procédé pour aider vos salariés à affronter cet épisode inflationniste ?

Nous avons octroyé une augmentation générale en mars pour aider nos salariés à combattre l’inflation, et l’an passé nous avons permis aux salariés de disposer d’aides à l’accès à la culture, de réductions ou autres… par le biais d’un comité social économique d’entreprise.

Comment avez-vous pu gérer la hausse des prix des matériaux ?

L’épisode a été compliqué, surtout pour nous qui travaillons avec des copropriétés, le devis reste souvent longtemps à l’étude chez les copropriétaires. Nous avons essayé de les revaloriser dans la mesure du possible, heureusement nos clients – syndics et particuliers via des maitres d’œuvre – ont compris nos problèmes, d’autant qu’ils avaient été fortement médiatisés. Nous n’avons donc pas connu trop d’écueils, mis à part quelques dossiers qui sont intervenus en pleine hausse subite de l’acier. Je pense notamment à un chantier où la facture de mon fournisseur d’acier était presque deux fois supérieure à celle que j’avais eu un mois plus tôt lors du chiffrage.

Comment voyez-vous venir 2024 ?

Cela risque de ne pas être une année merveilleuse. Mais est-ce que l’on ne revient pas tout simplement sur des taux d’activité un peu plus normaux, comme en 2017-2018, les années suivantes ayant été selon moi en forte suractivité ? Reste l’inflation qui fait monter les taux et génère d’importants désordres sur le marché. 2024 sera difficile, il faudra attendre je pense le premier semestre 2025 pour retrouver des perspectives plus fiables.

Question incontournable : depuis quand êtes-vous à la fédération ?

Difficile à dire… Je dirais une cinquantaine d’années, probablement un peu plus. Et nous y sommes encore, pas tant d’ailleurs pour les nombreux services qu’offre la fédération dont je me suis servi pour des contrats de travail, pour le recrutement, pour des élections de délégués du personnel avec une aide particulièrement utile en ce domaine. Non, j’aime juste aller aux réunions des chambres auxquelles j’appartiens, Maçons d’Entretien et Jeunes Dirigeants. J’en profite pour croiser les collègues, et disposer d’informations que je n’aurais pas forcément ailleurs. Nous discutons de sujets auxquels nous sommes tous confrontés, il me parait judicieux de savoir comment les autres réagissent face aux mêmes problématiques que moi…

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 5 octobre 2023