La crise ? Quelle crise ? Celle qui sera là demain… Voilà résumé en trois phrases l’essentiel des interventions des invités à l’Assemblée générale de la chambre territoriale du Beaujolais le 20
octobre dernier au château de Champ-Renard à Blacé. Répondant à l’invitation de Marie-Myriam
Favre, présidente de la chambre du Beaujolais, Norbert Fontanel, président de la fédération BTP Rhône, Samuel Minot, président de la FFB AURA, mais surtout 80 convives et adhérents – tous caladois ont soufflé ou entendu souffler le chaud et le grand froid au cours de la soirée qui a suivi l’AG.
Le chaud avec le compte-rendu des actions de la chambre en 2023 – promotion des métiers, communication, formation – et celles envisagées pour l’année à venir, le chaud encore avec une activité soutenue en Beaujolais malgré l’inflation des matériaux, les hausses des coûts de l’énergie et les réglementations de tous poils qui s’accumulent sur les épaules des dirigeants d’entreprises, malgré aussi et toujours des difficultés de recrutement.
En ce mois d’octobre, le BTP se porte bien en Calade, les adhérents ont du travail, des idées, et poursuivent leurs efforts pour répondre aux défis écologiques. Des défis relevés au passage par la fédération et sa vice-présidente à l’Économie et la Prospective, Oriane Viguier, qui est venue présenter la convention climat de BTP Rhône, son engagement aux côtés de la CEC et la création cette année d’une promotion d’une trentaine d’élèves qui travailleront 8 journées sur six sessions à “comprendre ce qui se passe et transformer nos entreprises tout en les conservant économiquement viables”.
“On va toujours nous demander plus sur ces sujets, et les jeunes sont de plus en plus concernés”, a-t-elle conclu en invitant ses collègues à s’intéresser à cette promotion et aux autres qui vont suivre.
Président de la fédération et caladois, Norbert Fontanel a pour sa part soufflé le chaud et le froid. Le chaud, en soulignant son plaisir d’être présent en Beaujolais : “Dans mon plan de mandat, il y avait en point clef l’idée de mettre en avant les territoires où plus de la moitié de nos adhérents se trouvent” explique-t-il, “et puis le Beaujolais travaille beaucoup pour la promotion de la jeunesse et des métiers, ce qui correspond au deuxième volet de mon plan de mandat qui était de mettre en avant nos compagnons. Sur ces sujets, et sur la transition énergétique, le territoire travaille vraiment bien”. Et le froid avec deux mises en garde : “J’ai alerté les adhérents sur une future loi venant de Bruxelles sur les congés payés qui va faire mal à nos caisses, et surprendre les entreprises. Il va falloir s’emparer du sujet. Je vois également des défaillances de promoteurs, j’ai donc conseillé à chacun de réclamer la garantie de paiement conformément à la loi, c’est vital pour les entreprises dans la période qui arrive. Il faut en effet préserver nos trésoreries. Nous allons continuer de faire de la formation, d’avancer sur la transition écologique, mais sans trésorerie, nous n’y parviendrons pas”.
“L’amont de filière touché avec une intensité jamais vue depuis 40 ans”
Le froid, saisissant, est venu du président de la fédération du Bâtiment de la région, Samuel Minot, caladois lui aussi. En une petite vingtaine de minutes d’un discours éclairé de chiffres projetés sur écran, il a présenté la crise du Logement connue de tous, mais surtout ses effets moins connus sur l’avenir du BTP. “Il y a une tendance de fond qui va toucher tout le monde. Les chiffres sont assez éloquents sur le logement neuf. Sur les huit premiers mois de l’année par exemple, les mises en chantier connaissent un décrochage de 21,6% en unités de logement avec une tendance qui s’accélère en individuel comme en collectif. Les autorisations de chantier : – 30,1%. On commence à rattraper les chiffres de 92-93, années de crise majeure dans le Bâtiment, qui avait été très compliquée pour les entreprises et les salariés. Sur les mises en vente sur les 6 derniers mois la chute est supérieure à 30% et la tendance s’accélère sur le dernier trimestre (…) Dans toute la chaîne du logement, nous sommes dans une crise qui est en train de s’enfoncer durablement, nous connaissons les causes, l’inflation, la hausse des prix des matériaux, la hausse des taux d’intérêt, la surenchère réglementaire, la difficulté des élus à lancer des programmes.” a-t-il sobrement expliqué.
Sans souffler, le président régional met aussitôt en garde ses collègues : “J’ai l’impression cela dit, en discutant avec vous, que tout ne va pas si mal. Carnets de commandes, exploitations, nous ne sommes pas encore touchés. Mais l’amont de filière est touché avec une intensité jamais vue depuis 40 ans. La déflagration de cette baisse, c’est demain. Il y a un mur qui va arriver en 2024 pour au moins une année. Et penser que le neuf ne va toucher que les opérateurs du neuf est une erreur, les métiers du neuf vont se retourner sur les marchés de la rénovation pour subsister. Soyez prudents.”
“50 millions de subventions qui entrainent au moins 320 millions de CA pour vos entreprises”
Il était grand temps de passer dans la salle de réception où les vins du château de Champ-Renard, appartenant au président de la CCI Denis Garnier, ont tenté de réchauffer les coeurs. Marie-Myriam, dans une allocution touchante, a rappelé le courage des entrepreneurs, leur engagement pour le territoire, leur désappointement face à l’avalanche de textes, codes, et autres réglementations… mais aussi leur ténacité, leur force d’être ensemble, leur résilience même si ce mot est aujourd’hui trop à la mode pour cacher quelques sueurs froides et nuits blanches quand on a la responsabilité de ses compagnons.
Un mot pour finir à destination des élus qui ont tenu à être présents : “Nous sommes à mi-mandat et les projets de campagne se concrétisent – enfin – nous notons une accélération des publications d’appels d’offre, mais qui arrivent dans un climat de tension. Nous allons avoir besoin de votre soutien”. Les élus justement, Alexandre Portier, député, Martine Publié, vice-présidente du département du Rhône, et Pascal Ronzière, président de la communauté d’agglomération Villefranche Beaujolais Saône, ont tous multiplié les signes et phrases de soutien aux entrepreneurs.
Alexandre Portier : “Les postures du gouvernement sont très clairement contre l’immobilier, il commet des erreurs majeures, et si nous sommes à l’aube d’une crise assez forte ce n’est pas pour des raisons économiques mais politiques”, souligne- t-il. “Sur le ZAN (Zéro Artificialisation nette des sols), il faut aujourd’hui un moratoire. C’est une loi injuste faite par des technocrates qui n’ont jamais signé un permis de construire. Nous sommes tous d’accord pour protéger les terres agricoles et ici viticoles, mais on ne peut pas les protéger sans pouvoir loger les viticulteurs ou construire les bâtiments techniques dont ils ont besoin. On a besoin de faire plus confiance aux acteurs et élus locaux pour construire des solutions raisonnées qui prennent en charge le défi de la rénovation énergétique. On sait le faire sur le terrain dans le PLU ou le Scott. Cela fait vingt ans qu’on complexifie le code de l’urbanisme qui a doublé de taille, et finalement, on construit moins de logements”.
Pragmatique, Martine Publié, vice-présidente du département qui représentait le président Christophe Guilloteau, retenu par des engagements antérieurs, a démontré la pertinence des investissements publics en faveur du BTP. “Nous avons fait le choix politique de soutenir nos collectivités dans leurs investissements. Depuis 2020, plus de 50 millions de subventions ont été allouées à nos 210 communes pour qu’elles investissent en construisant, école, crèche, etc… 50 millions qui entrainent au moins 320 millions de CA pour vos entreprises sur le département. Le département a par ailleurs ses propres bâtiments. Là aussi nous lançons des investissements, notamment de rénovation énergétique. Et puis nous avons un plan collège pour accueillir 500 nouveaux jeunes par an. 70 millions pour ce plan, pour la construction de deux collèges à Villefranche-Limas et Genas. Enfin le budget voieries a été doublé cette année. Au total ce seront 630 millions d’investissement sur le mandat dans les bâtiments et voieries. Nous faisons le maximum pour vous soutenir, c’est un choix politique, pas une obligation.”
A lire dans l’édition du Journal du BTP du 2 novembre 2023