Deux, trois, quatre générations et parfois plus encore. Le monde du BTP regorge d’histoires familiales où le mot transmission est écrit en lettres capitales. Transmission de valeurs, de savoir-faire, de l’art de construire tout simplement, synonyme de don de soi, de sens, et de fierté. L’exemple, l’exemplarité des parents artisans ou patrons de TPE, PME voire ETI, est le levier d’engagements qui méritent que l’on s’y attarde.
Philippe Ville : « Ce sont des maçons des Monts du lyonnais qui nous ont donné l’idée de nous lancer dans la fabrication du béton »
Leur vie, leur histoire, leur saga familiale, riment avec Monts du Lyonnais.
Car, comme un clin d’œil de leur patronyme, les Ville sont de la campagne. C’est là-bas, à Saint-Martin-en-Haut, qu’ils ont créé leur aventure entrepreneuriale, en partant de rien. C’est de là-haut qu’ils ont développé BML (Béton Monts du Lyonnais), et ont grandi jusqu’à devenir aujourd’hui le plus grand producteur de béton prêt à l’emploi de la région. C’est grâce aux Monts du Lyonnais qu’ils se sont lancés dans la fabrication et le transport du béton, c’est grâce aux Monts du Lyonnais qu’ils ont pu résister à l’appétit des grands groupes concurrents. C’est enfin dans les Monts du Lyonnais qu’ils ont construit leur siège et qu’ils résident. Tout part de là-haut et tout y revient.
Nous sommes en 1960. Jean Ville, fils d’agriculteurs de Saint-Martin-en-Haut, d’abord ouvrier bûcheron, monte une entreprise de négoce et transport de fourrage, de pommes de terre, et autres produits qu’il descend de la montagne vers Lyon. Il fait aussi un peu de négoce de ciment et granulats pour les maçons, granulats qu’il va chercher dans la vallée du Garon, entre Givors et Brignais. Au fil des années, l’entreprise accueille ses deux garçons, Alain et Philippe, chauffeurs tous les deux des camions qui font la navette dans le secteur.
Mais dans les années 80 l’activité commence à décliner, les grandes surfaces s’organisent pour s’approvisionner, et les entreprises de maçonnerie ou de gros œuvre se tournent doucement vers le béton livré prêt à l’emploi.
« Ce sont des maçons des Monts du lyonnais qui nous ont donné l’idée de nous lancer dans la fabrication du béton », se souvient Philippe Ville. « Ils ne voulaient plus faire du béton à la main, donc plus nous commander de ciment et granulats, mais ils nous ont conseillé de le fabriquer nous-mêmes ». Et de devenir les premiers clients.
Dans les Monts du Lyonnais, il n’existe pas à l’époque de centrales à béton. Le trio décide de créer BML. Ce sera en 1989. Jean avait acheté un terrain en zone artisanale à Saint-Martin-en-Haut. La première centrale sera édifiée là, non sans que père et fils aient lutté avec les banques pour obtenir les prêts. Et puis avec les fournisseurs de ciment, les Lafarge ou Vicat, hésitants à s’engager avec des inconnus sur le marché. Jean, Alain et Philippe se portent caution sur leurs biens personnels. C’est parti…
« J’avais 25 ans, c’était un peu dur à l’époque, tout cet argent investi, mais les maçons des Monts du Lyonnais, les Giraud, les Rousset, les Chardon, sont venus s’approvisionner chez nous. Nous avons eu beaucoup de demande dès le début. Les Monts du Lyonnais accueillaient de nombreux nouveaux habitants qui travaillaient sur le Grand Lyon : il fallait construire logements et infrastructures, écoles, réseaux d’assainissement » …
L’activité est bonne, BML grossit rapidement, embauche vite quatre-cinq personnes, achète des vieux Berliet toupie ; les bilans positifs se succèdent… Lafarge est en confiance et rend la caution, les banques respirent, la famille aussi.
1989-1999. Dix ans de croissance. Dix ans à livrer du béton prêt à l’emploi dans les Monts du Lyonnais et déjà un peu plus loin. Les gros du secteur ne voient pas arriver BML d’un bon œil, un indépendant au milieu de groupes surpuissants à l’époque. « Être dans les Monts du Lyonnais nous a sauvés. Parce que nos concurrents n’y étaient pas. C’est une mini-montagne ici, il faut la gravir. Et les grosses entreprises de fabrication de béton perdaient de l’argent à faire monter leurs camions là-haut, quand ils arrivaient péniblement sur les chantiers, leur béton était tout sec. Ce contexte nous a protégés, car finalement, nous étions les seuls sur place ».
Mais fabriquer du béton entraîne quelques nuisances. En 1999, BML est contrainte de partir de sa zone d’activité. Destination ? Saint-Martin-en-Haut encore, mais un peu plus à l’écart. C’est l’occasion pour les Ville d’investir dans une nouvelle centrale. L’ancienne est démontée, destination la zone industrielle des Platières, à Mornant, où elle est rénovée et existe toujours. Les Monts du Lyonnais sont ainsi mieux « quadrillés », les camions roulent moins. Bien vu.
Deux centrales. Et puis trois, avec Lozanne, et quatre avec Saint-Pierre de Chandieu… « Nos clients appréciaient nos livraisons, notre béton, notre personnel. Nous avons continué à nous développer dans la région, en croissance interne ou externe », explique sobrement Philippe Ville. Jusqu’à aujourd’hui, BML possède 33 centrales à béton en Auvergne-Rhône-Alpes. Et 540 salariés.
Entre-temps Philippe a pris les rênes de l’entreprise, toujours avec son épouse Chantal qui travaille à BML depuis les débuts. Jean a pris sa retraite, Alain n’a pu poursuivre l’aventure pour raisons médicales. Mais la troisième génération de Ville est déjà là, depuis dix ans en place, avec Éloïse, une des trois filles de Chantal et Philippe, Directrice générale. Et puis il y a Thomas Crozier, le mari d’Éloïse, embauché comme apprenti il y a vingt ans, responsable commercial des secteurs de la Haute-Savoie, le Nord-Isère et l’Est du Rhône. La transmission est en cours. L’avenir se prépare. BML reste en Ville, si l’on peut dire.
Depuis 1999 et le déménagement à Saint-Martin-en-Haut, BML a beaucoup grossi. L’entreprise s’est implantée au Port Edouard Herriot, avec une centrale mais surtout un laboratoire de suivi et contrôle dont le maître-mot est l’innovation. Dix personnes y travaillent, cherchent, inventent, jonglent avec des formules chimiques pour proposer des bétons sur mesure qui s’adaptent à tous les chantiers. Avec un accent mis évidemment sur le béton bas carbone, devenu incontournable – déjà 25% de la production de BML – et des procédés techniques divers qui visent tous à se priver au maximum de ciment en utilisant des liants de substitution non carbonés, comme les laitiers de haut-fourneaux.
«La transition écologique est incontournable, BML se doit d’être en pointe sur le sujet, en particulier sur ses sites de production, centrales et carrières. Traitement et récupération de l’eau, tri et réemploi des déchets, comme les agrégats de béton de démolition, installation de panneaux photovoltaïques pour produire son électricité – entre 30 à 40 % – et même utilisation du biocarburant XTL pour sa flotte de camions toupie ou benne… Impossible d’être exhaustif, mais BML et ses quatre sociétés (fabrication de béton ; transport ; négoce en matériaux ; carrières) a choisi l’exemplarité dans un contexte où le béton encore indispensable est décrié.
« Le béton offre une résistance structurelle incontournable avec des épaisseurs de mur de 15 à 20 centimètres, en termes de SHON, de surface habitable c’est encore le top », rappelle Philippe Ville, dont la saga reste synonyme de béton.
À lire dans l’édition du 14 novembre du Journal du BTP
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