Christian Truffy : « J’ai cherché à retransmettre le métier, son état d’esprit, son éthique, son esprit de corps » 

La seconde médaille d’or remise par la chambre des Métiers a été attribuée à Christian Truffy, dirigeant de l’entreprise de maçonnerie éponyme dont le siège est à Irigny.
A 70 ans, Christian Truffy est en pleine séquence de transmission-vente de cette belle maison crée en 1892 par son arrière-grand-père. Une séquence difficile sur laquelle nous reviendrons dans son interview, qui se traduit par une spécialisation de son activité sur les dernières années avec cinq salariés.
Mais si le patron de Truffy Maçonnerie a reçu une médaille d’or c’est avant tout pour l’ensemble de son œuvre sur la formation des jeunes dans la commission Formation de la fédération, à la chambre de Maçonnerie-Rénovation, mais aussi et peut-être surtout dans les centres de compagnonnage, centres dont il est issu puisqu’il est resté dix ans compagnon du devoir, avant de reprendre la société familiale en 1984.

Quel est aujourd’hui l’éventail d’activité de Truffy Maçonnerie ?
Nous sommes dans une période particulière puisque j’essaie de vendre l’entreprise, ce qui n’est pas si simple aujourd’hui. Nous avons réduit la voilure pour nous spécialiser avec nos clients architectes sur des chantiers « spécifiques » orientés sur la pierre massive. Nous faisons également des marchés publics mais avec des travaux plutôt hors du commun, avec des bétons apparents, des bétons courbes, un peu de béton architectonique,souvent en groupement. Vu notre contexte, nous avons choisi de faire peu de volume puisque nous ne sommes plus que cinq salariés, mais de participer à des projets à forte valeur ajoutée.

Sur la photo de gauche à droite, Julien Chopin, André Font, Christian Truffy, Norbert Fontanel, Vincent Charroin, au deuxième rang Céline Bourdin, Christophe Bernollin

Pourquoi vendre une telle entreprise est si difficile ?
Il y a d’abord la conjoncture économique. Et puis nous nous apercevons que malgré le savoir-faire de nos compagnons, une entreprise comme la nôtre est une entité vraiment personnelle, et qu’au-delà du prix de vente, ce sont des valeurs que l’on transmet, un état d’esprit… Nous avons eu beaucoup de contacts qui n’ont pas abouti.

Vous avez beaucoup de jeunes dans votre équipe ?
J’ai gardé un très bon chef de chantier formé chez nous qui a 25 ans d’ancienneté, et deux ouvriers qualifiés. Et puis des jeunes en formation. Nous avons toujours « tourné » avec des jeunes en formation, nous n’avons jamais vraiment cherché de la main d’œuvre.

Vous avez toujours eu des apprentis ?
Nous en avons toujours eu deux ou trois par an, issus des compagnons du devoir, des maisons familiales ou des CFA. Nous avons voulu instaurer dans l’entreprise un esprit de retransmission du geste et une ambiance dynamique, jeune, pour pouvoir coller à tous les défis que nous avions sur le plan professionnel. En 45 ans, nous avons pratiquement formé une centaine d’apprentis.

Que représente pour vous cette médaille d’or ?
La reconnaissance de m’être occupé de mon métier à travers nos institutions et les organismes de formation. Je me suis intéressé pendant des années à la formation dans les centres de compagnonnage de la région. J’ai participé à la mise au point de cours… Et j’ai cherché à retransmettre le métier, son état d’esprit, son éthique, son esprit de corps, la compréhension que nos métiers rassemblent des professionnels très divers avec un objectif commun : l’émergence d’un projet.

Comment peut-on donner le goût d’être maçon à un jeune ?
Il faut défendre cette forme de liberté que le Bâtiment nous offre comme les opportunités de pouvoir grimper dans la hiérarchie sociale. Le Bâtiment, c’est quand même une famille où on trouve une certaine passion, et puis de la solidarité. Les jeunes peuvent développer ces valeurs comme salariés, ou en créant une petite structure pour laquelle ils vont se battre, car dans le Bâtiment, il faut se battre en permanence. Ils devront relever des défis et puis se projeter dans l’avenir, vu tous les changements de réglementation, les nouveaux matériaux, et puis les nouvelles technologies… ça va très vite, mais c’est passionnant.

 

À lire dans l’édition du 27 février 2025 du Journal du BTP