
La formation a toujours été l'ADN de la société
Deux, trois, quatre générations et parfois plus encore. Le monde du BTP regorge d’histoires familiales où le mot transmission est écrit en lettres capitales. Transmission de valeurs, de savoir-faire, de l’art de construire tout simplement, synonyme de don de soi, de sens, et de fierté.
A la fédération BTP Rhône, les sagas familiales de certains adhérents sont connues, d’autre moins. Nous avons donc décidé de vous présenter sous forme de série quelques-unes d’entre elles.
Guillaume et Stéphane Targe : « La formation a toujours été l’ADN de la société »
Un monument. A Lyon et pour les Lyonnais, la miroiterie Targe est un élément incontournable du patrimoine de la ville. Pas seulement par la grâce et la beauté architecturale Art déco de ses locaux et ateliers situés à l’angle des rues de Marseille et de l’Université – juste en face de l’imposant garage Citroën superbement réhabilité en 2015 – ni même par l’originalité de sa flotte de camionnettes peintes en jaune depuis 1911 et inscrite dans le paysage…
Mais parce que la Miroiterie Targe a une histoire, écrite depuis 1907 par la famille du même nom, par les centaines de compagnons qui y ont fait carrière, et ses milliers de clients, en grande majorité Lyonnais.
Targe est un nom qui participe à la musique de la ville, comme un violon au milieu de l’orchestre.
Et d’ailleurs, puisqu’on évoque un monument, la miroiterie est intervenue sur de nombreux sites emblématiques de la ville : la Halle Tony Garnier pour l’Exposition universelle de 1914, l’hôpital Edouard Herriot, le garage Citroën évoqué plus haut ou l’aéroport Saint-Exupéry… sans compter toutes les vitrines de magasins.
Quatre générations de Targe se sont succédé à la tête de l’entreprise depuis 1907, date à laquelle Gabriel, comptable dans une entreprise de verrerie de Givors, achète une vitrerie place du Pont (Gabriel-Péri). Quatre générations ont œuvré à l’édifice de cette entreprise patrimoniale avec une discrétion toute lyonnaise qui ne cache pas une incroyable volonté de réussir. Réussir et servir.
Quatre générations, et une spécificité propre à la miroiterie Targe : à part Gabriel, le fondateur, l’entreprise a toujours été dirigée par deux frères. Une tradition, presqu’une signature. Jean et Claude, fils de Gabriel, dans les années 30. André et Bernard, fils de Claude, dans les années 60. Guillaume et Stéphane, fils de Bernard, dans les années 2000.
« Nous nous entendons très bien, cela se fait naturellement » expliquent les deux dirigeants actuels, PDG une année sur deux pour bien signifier l’égalité de traitement. Les rôles sont d’ailleurs bien répartis : à Stéphane la gestion, à Guillaume la partie commerciale. « Nous avons toujours été complémentaires », jugent les deux frères qui arpentent les ateliers de la miroiterie depuis leurs premiers pas, et y ont fait tous les boulots possibles.

1907-2025
Mais revenons à Gabriel. Lorsqu’il s’installe place du Pont, dans ce quartier de la Guillotière encore habités d’échoppes et de petits ateliers, les vitreries sont nombreuses. Il vend des verres plats, des cadres et des miroirs. Mais l’homme est habile et son travail reconnu. En 1913, il obtient le marché des vitres de la halle Tony-Garnier pour l’Exposition universelle de l’année suivante. Plus de 6 500 m2 de vitrages à installer, dans les conditions de l’époque. Un tour de force pour sa dizaine de compagnons. Mais c’est vite la première guerre, qui le mobilise dans une usine de fabrication d’obus à Gerland. Son épouse tiendra la boutique pendant les années de conflit.
Et lui repartira de plus belle, puisqu’en 1919, il s’agrandit en rachetant des locaux rue de Marseille où il installera un vaste atelier et un magasin de détail. Vitrerie, miroiterie, la maison Targe prend les contours de ce qu’elle est encore aujourd’hui, notamment grâce aux réalisations prestigieuses déjà citées : hôpital et grand garage Citroën.
Accélérons un peu, Jean et Claude prennent la suite dans les années 30. Un atelier est ouvert à Gerland, de nouvelles activités sont exploitées comme le sablage ou la vente de parebrise. Le duo Targe fait comme feront leurs successeurs. Ils collent au marché, aux nouvelles techniques de traitement du verre dont les performances évoluent sans cesse. Un exemple, ce sont eux qui sont appelés à fournir des milliers de hublots en verre au chantier naval de l’arsenal de Brest. L’atelier de découpe a dû s’adapter.
La seconde guerre mondiale met un nouveau coup d’arrêt à l’entreprise comme bien d’autres dans le pays. La reconstruction tarde un peu, les années 40 sont longues pour tout le monde.
Mais l’excellente organisation et la structure de l’entreprise vont permettre de vite redémarrer. Les ateliers, par exemple, sont assez grands pour accueillir les nouvelles grandes plaques à découper et les stocker. C’est toujours le cas aujourd’hui. Entre les locaux de la rue de Marseille – encore agrandis – et ceux de Gerland, les capacités de stockage et d’accueil des grandes plaques de verre livrées par les industriels sont essentielles.

« Aujourd’hui la Miroiterie Targe c’est 45% de découpe et 50% de pose » expliquent Guillaume et Stéphane.
Pour l’activité découpe, des camions de 25 tonnes nous livrent des plaques de 6×3 mètres que l’on transforme et façonne ici ». L’activité décoration, miroirs et autres, représente un peu moins de 5% du CA. Pour l’entretien, le remplacement d’une vitrine brisée par exemple, l’entreprise intervient six jours sur sept et parfois plus selon le contexte.
Le service, le service, le service
C’est l’obsession des deux frères. « Nous essayons d’envoyer nos devis le jour même du rendez-vous ou le lendemain, à moins qu’il soit particulièrement complexe à établir. L’intervention, idem, c’est encore sous 24 heures. Nous avons un service d’urgence pour la découpe des verres destinés dans la journée aux professionnels : cloisonniers, menuisiers, serruriers, agenceurs… Le bouche à oreille est essentiel pour nous, notre image en dépend ».
Le service c’est enfin proposer la meilleure offre commerciale, mix entre le prix et la technicité des produits.
Et pour que les cinquante salariés de la Miroiterie marchent dans la même direction, les Targe misent sur la formation et la transmission. « La formation, ça a toujours été l’ADN de la société », souligne Guillaume qui est par ailleurs référent AURA du BTP pour les Worldskills. « Nous sommes sur des métiers de gestes, l’apprentissage se fait sur le chantier, en atelier, progressivement. Car chaque intervention est différente, chaque client est différent, et donc on apprend au fur et à mesure ».
Et puisqu’on évoque la transmission, Jules et Antoine sont en train de faire leurs premiers pas dans la Miroiterie. Ils apprennent, entourés des quarante-cinq compagnons et administratifs de l’entreprise. Ils apprennent le métier bien sûr – les métiers du « savoir verre » comme on dit chez Targe – avec tous les défis de l’époque : l’intelligence artificielle, le numérique, la RSE, et la transition écologique avec le recyclage et le réemploi. Des sujets dont Guillaume et Stéphane se sont déjà emparés.
Les métiers évoluent, les entreprises aussi.

À lire dans l’édition du 20 mars 2025 du Journal du BTP
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